H.G. Wells, Les premiers hommes dans la lune

Le pre­mier Apollo !

Bedford est venu à Lympne, dans le comté de Kent, pour avoir la tran­quillité néces­saire à l’écriture d’une pièce de théâtre. Il a perdu de grosses sommes dans des entre­prises mal­heu­reuses et pense que c’est le meilleur moyen de s’en sor­tir finan­ciè­re­ment sans accep­ter un emploi mal rému­néré.
Depuis la fenêtre der­rière laquelle il tra­vaille, il voit, au soleil cou­chant, appa­raître un petit homme à l’accoutrement et à l’attitude bizarres. Chaque soir, c’est la même scène. N’y tenant plus, il l’aborde et apprend que ce scien­ti­fique, du nom de Cavor, est à la recherche d’une sub­stance opaque à la gra­vi­ta­tion qui per­met­trait de sou­le­ver sans efforts des masses énormes. En homme d’affaires, Bed­ford rêve d’applications indus­trielles, de la créa­tion d’une société pour l’exploitation en mono­pole de cette matière qu’il appelle la Cavo­rite. Mais Cavor voit d’autres usages et conçoit une sphère pour aller dans la lune. L’engin se déplace dans l’espace par un jeu de pan­neaux jouant avec la gra­vité.
Ils arrivent dans la nuit gla­ciale. Lorsque le soleil se lève, la cha­leur fait fondre la glace et pro­duit une atmo­sphère res­pi­rable. La dif­fé­rence de pesan­teur auto­rise des dépla­ce­ments faciles et les deux héros partent en explo­ra­tion. La ren­contre avec les indi­vi­dus d’une race intel­li­gente vivant dans des grottes n’est pas sans sur­prises, car…

C’est Bed­ford, lorsqu’il a pu reve­nir sur terre dans des condi­tions qu’il ne faut pas dévoi­ler pour gar­der le sus­pense, qui raconte l’odyssée qu’il a vécu. H.G. Wells orga­nise son récit avec finesse et cohé­rence. Il fait de son nar­ra­teur un indi­vidu qui ne com­prend pas grand-chose aux expli­ca­tions scien­ti­fiques don­nées par son inter­lo­cu­teur, ce qui auto­rise à res­ter dans le flou quant aux théo­ries et prin­cipes phy­siques mis en œuvre. Outre l’exploration de la lune conçue avec les don­nées scien­ti­fiques de l’époque et l’imagination du roman­cier, l’intérêt du récit se trouve dans l’opposition de deux carac­tères, de deux points de vue. Si Cavor, l’inventeur, cherche à décou­vrir pour la plus grande gloire de la science, avec dés­in­té­res­se­ment, Bed­ford voit tout ce qui peut se trans­for­mer en affaires et rap­por­ter de l’argent. Et H.G. Wells n’est pas tendre avec cet aven­tu­rier cupide. L’auteur a tou­jours déve­loppé des idées sociales, prô­nant une société plus juste, plus éga­li­taire. Il fait de Brad­ford, tel qu’il est décrit, l’affairiste anglais type, le pilleur de richesses à l’image de son pays qui a exploité à son seul pro­fit les deux tiers de la terre.
Mais le roman­cier fait preuve d’humour tant dans des situa­tions cocasses que dans des dia­logues déjan­tés. Par exemple, il fait déci­der par son per­son­nage de publier ce récit sous pseu­do­nyme et il choi­sit pour ce faire… H.G. Wells ! Avec ces élé­ments, l’auteur conçoit une his­toire solide, homo­gène, por­tée par un couple de per­son­nages dont la nature et les carac­tères sont minu­tieu­se­ment adap­tés à leur rôle, dans une intrigue pre­nante. Un livre à lire ou à relire avec grand plaisir.

serge per­raud

H.G. Wells, Les pre­miers hommes dans la lune (The First Men in the Moon), tra­duit de l’anglais en 1901 par Henry-D. Davray, édi­tions de l’aube, coll. “Mikrós Clas­sique”, octobre 2017, 376 p. – 14,00 €.

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