Naomi Hirahara, Le shamisen en peau de serpent

Meurtre dans la com­mu­nauté nippo-américaine

Alors que Mas Arai digère son pou­let rôti en lisant le quo­ti­dien japo­nais de Los Angeles, une photo attire son atten­tion. Son ami G.I. et un autre homme étreignent une machine à sous car le second a gagné un demi-million de dol­lars. Il annonce qu’il offrira un dîner à Tor­rance. C’est Haruo, le meilleur ami de Mas, qui le pousse à y aller. Après avoir dégusté quelques mets, bu quelques bières, salué ses prin­ci­pales connais­sances, Mas estime avoir vu suf­fi­sam­ment d’inconnus et rentre chez lui. Endormi dans son fau­teuil, il est réveillé par Jua­nita, la petite amie de G.I. Il lui faut reve­nir au res­tau­rant car la police veut le voir.
En mau­gréant, sur place, il apprend que Randy, l’heureux gagnant, ne pro­fi­tera pas de sa for­tune. Il a été égorgé. Près de son cadavre se trou­vait la caisse bri­sée d’un sha­mi­sen en peau de ser­pent, un ins­tru­ment qui vient d’Okinawa. Bien que Jua­nita soit détec­tive, G.I. demande à Mas de mener une enquête pri­vée. Randy était ori­gi­naire de ce groupe d’îles…

La série des enquêtes de Mas Arai compte, à ce jour, six épi­sodes. Avec Le sha­mi­sen en peau de ser­pent, les édi­tions de l’aube pro­pose la tra­duc­tion du troi­sième opus. Arai est né sur le sol amé­ri­cain. Bien que se trou­vant à Hiro­shima lors de l’explosion de la bombe, il est revenu indemne sur le sol natal. Veuf depuis une dizaine d’années, il pra­tique tou­jours son acti­vité de jar­di­nier pour une dizaine de clients. Il n’a pas son pareil, bien qu’il s’en défende, pour enquê­ter foui­ner, per­ce­voir les contra­dic­tions, les omis­sions et les men­songes.
Autour de ce per­son­nage, la roman­cière décrit les us et cou­tumes de la com­mu­nauté nippo-américaine avec les dif­fé­rentes géné­ra­tions, selon les périodes d’émigration, de nais­sance, ou non, sur le sol des États-Unis. Elle truffe son récit de termes et de locu­tions propres à la langue et à la culture japo­naises, éclaire les sub­ti­li­tés de cer­taines expres­sions mon­trant la richesse lin­guis­tique.
La roman­cière tisse une intrigue sub­tile, à l’image de son héros qui a une approche ana­ly­tique et très struc­tu­rée des situa­tions qu’il découvre, des infor­ma­tions qu’il col­lecte. Par contre, le rythme est mesuré, l’auteur s’autorisant, pour le plus grand plai­sir de ses lec­teurs nombre de digressions.

Cette enquête donne l’occasion de sor­tir de l’ombre l’histoire de ces Amé­ri­cains d’origine japo­naise pen­dant la seconde guerre mon­diale, leur enfer­me­ment dans des camps alors que nombre d’entre eux se bat­taient dans l’armée US, sur tous les fronts. Elle rap­pelle les com­bats de l’archipel d’Okinawa, des com­bats vio­lents, meur­triers au pos­sible qui firent plus de morts que la bombe d’Hiroshima.
Avec Le sha­mi­sen en peau de ser­pent, Naomi Hira­hara offre un roman très plai­sant à lire, un véri­table dépay­se­ment en bra­quant le pro­jec­teur sur une com­mu­nauté par­ti­cu­lière des USA avec une intrigue tor­tueuse à sou­hait, dénouée avec brio par un per­son­nage qui emporte l’adhésion.

serge per­raud

Naomi Hira­hara, Le sha­mi­sen en peau de ser­pent (Sna­kes­kin sha­mi­sen), tra­duit de l’anglais (États-Unis) par Benoîte Dau­vergne, l’aube, coll. “Noire”, novembre 2017, 328 p. – 21,00 €.

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