Isabelle Fernandes, Marie Tudor

La fille d’Henri VIII d’Angleterre reste Marie la San­glante, la reine catho­lique fana­tique, qui brûla les pro­tes­tants de son royaume

Cette image impré­gna très tôt les esprits grâce à une pro­pa­gande habile, comme le rap­pelle dès l’introduction Isa­belle Fer­nandes, dans cette belle bio­gra­phie bien docu­men­tée et hon­nête. Il n’est pas ques­tion de nier la répres­sion féroce que la reine Marie imposa à ses sujets réfor­més. Mais la lec­ture du livre per­met au lec­teur de mieux sai­sir la com­plexité de l’époque, les nuances de la poli­tique de la sou­ve­raine et le dan­ger de l’anachronisme.

Le por­trait de la reine Marie nous fait décou­vrir une femme qui, très tôt, souf­frit des pas­sions poli­tiques et reli­gieuses, et même sen­ti­men­tales, du règne de son père Henri VIII. Les épreuves liées au divorce de ses parents et aux enjeux dynas­tiques du rema­riage avec Anne Boleyn l’obligèrent à dur­cir son carac­tère, lui apprirent les ver­tus néces­saires à la sur­vie: la dis­si­mu­la­tion, la ruse, la manœuvre. Dès sa plus tendre enfance, Marie fit montre d’une force de carac­tère hors du com­mun et d’un refus de tran­si­ger avec sa foi catho­lique que les esprits de notre temps assi­milent trop vite à du fana­tisme. Car, comme le rap­pelle très jus­te­ment Isa­belle Fer­nandes, la tolé­rance reli­gieuse n’existe pas au XVIème siècle. C’est bien pour cette rai­son que les deux camps se livrent une lutte à mort pour sau­ver les âmes du péché et de l’hérésie. Marie ne fait pas exception.

Un très inté­res­sant cha­pitre rap­pelle que la sou­ve­raine mit en place une œuvre de conver­sion, par des moyens paci­fiques et dans le pro­lon­ge­ment du concile de Trente, afin de pré­ser­ver son royaume du pro­tes­tan­tisme, ce que son père s’était déjà employé à faire. Son erreur a été double. Tout d’abord la répres­sion et les bûchers firent des pro­tes­tants des mar­tyrs dont les cendres, à jamais, salirent la reine. Ensuite, la reprise des rap­ports avec Rome, cou­plée avec la mariage avec Phi­lippe d’Espagne, por­tèrent un coup à l’œuvre du national-catholicisme qui avait été celle d’Henri VIII. Les Anglais l’avaient approu­vée. La briè­veté du règne de Marie et la mon­tée sur le trône d’Elisabeth empê­chèrent la réa­li­sa­tion de ce dessein.

Isabelle Fer­nandes semble ne pas se faire d’illusions sur les capa­ci­tés de son propre livre à influer sur l’image de la sou­ve­raine. Elle a sans doute rai­son. Marie res­tera la San­glante pour long­temps encore. Il n’empêche que ce tra­vail de très grande qua­lité contri­buera, on ne peut en dou­ter, à réha­bi­li­ter un règne qui aurait pu être décisif.

fre­de­ric le moal

Isa­belle Fer­nandes, Marie Tudor, Tal­lan­dier, août 2012, 398 p., 22,90 €

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