La victoire surprise de François Fillon aux primaires de la droite en 2016 provoqua une sorte de séisme car le vainqueur l’emporta sur son rival progressiste grâce à un programme défini comme libéral-conservateur. Certes, la machine à caricaturer se mit immédiatement en fonction, présentant le candidat de la droite comme le produit de la Manif pour tous ou comme le Thatcher français. Caricatures efficaces mais en réalité bien faibles qui en apprenaient beaucoup sur leurs auteurs qui ne savaient pas qui était François Fillon ni surtout qui était Margaret Thatcher.
Quoi qu’il en soit, celui que l’on croyait éliminé sous les feux des Lumières, du Progrès et de l’Emancipation humaine, non seulement a survécu mais en plus suscite un intérêt sans cesse grandissant. Qui ? Le conservatisme ! A tel point que trois auteurs – Frédéric Rouvillois, Olivier Dard et Christophe Boutin – lui consacrent un volumineux dictionnaire, précis, percutant et vivifiant.
Car il est en effet vital pour l’esprit de lire ces analyses précises, au-delà des caricatures habituelles, sur ce phénomène dont les auteurs retracent l’histoire dans une introduction lumineuse. Les entrées sont multiples, parfois déconcertantes, toujours riches. Tous les différents courants du conservatisme sont étudiés : le mouvement réactionnaire qui entraîna la Restauration à sa perte comme le rappelle Olivier Tort ; le libéralisme louis-philippard qui intégra une partie de la Révolution, cette dernière apparaissant vraiment comme la rupture majeure ; mais aussi le maurrassisme ou le néo-conservatisme des anciens marxistes américains auquel s’oppose un paléo-conservatism€e plus conforme à la tradition ; etc.
On lira avec grand intérêt les analyses comparatives entre les révolutions anglaises du XVII siècle et celle qui déchira la France un siècle plus tard ; celles sur le fascisme très bien présenté par Emmanuel Mattiato pour ce qu’il est (un mouvement révolutionnaire de gauche, issu des Lumières) ; celles éclairantes de Chantal Delsol sur la famille, nouveau combat des conservateurs ; celles de Marie-Claude Esposito tout en nuances sur Margaret Thatcher.
Bref, cet ouvrage de salubrité publique se lit, malgré sa densité, avec une grande facilité et constitue un instrument désormais incontournable pour la grande bataille des idées.
frederic le moal
Le dictionnaire du conservatisme, Frédéric Rouvillois, Olivier Dard et Christophe Boutin (dir.), Le Cerf, octobre 2017, 1071 p. — 30,00 €.