Peut-on écrire une biographie intéressante du duc d’Angoulême, cet homme timide et gauche, au physique disgracieux, ce prince détestant les mondanités et ayant toujours vécu dans l’ombre, ce Louis XIX n’ayant régné que le temps d’une signature sur un acte d’abdication ?
A priori non. C’est pourtant ce que fait François de Coustin dans une étude absolument remarquable, tant par le style, la solidité des sources que par la pertinence des analyses.
Le portrait tracé du fils aîné de Charles X met en lumière un homme qui ne manque pas de qualités : très pieux, profondément épris de son épouse Marie-Thérèse l’orpheline du Temple, bien formé par son oncle Louis XVIII dans la perspective d’un règne « libéral », conforme aux équilibres de la Charte de 1814 ; un homme de devoir aussi, qui sait s’imposer comme un militaire apprécié par les troupes, ce qui est une gageure pour un Bourbon après l’épopée napoléonienne.
Bref, il aurait pu et dû être un grand monarque, enracinant la Restauration dans le pays d’une manière pérenne.
Or, c’est sans compter sur deux éléments qui ont décidé de son destin et de celui de la France : tout d’abord le règne de son père Charles X qui, plutôt que de suivre les louvoiements de son frère aussi impotent que subtil, préfère s’engager dans la voie des Ultras dont il est l’idole en accumulant les erreurs ; et ensuite sa propre absence de caractère ferme, qui le conduit à s’effacer devant son père jusqu’à l’ultime sacrifice : son abdication de juillet 1830 sur l’injonction du souverain déchu.
En fin de compte, cette passionnante biographie, en plus de décrypter avec soin la personnalité de Louis XIX, éclaire d’une lumière bien cruelle la fin de la prestigieuse lignée des Bourbons qui ont été victimes de bien des maux mais surtout d’eux-mêmes. La branche légitimiste s’est trouvée, à l’exception de Louis XVIII, dépourvue de princes capables d’être à la hauteur de la tâche que l’histoire leur imposait après le cataclysme de 1789 : Charles X, Angoulême, Berry, sans parler du comte de Chambord qui, pour le malheur de la monarchie, fut éduqué par sa tante et son grand-père.
Louis XIX mérite donc d’être connu pour sa juste valeur : un homme très estimable et un prince qui rata son destin.
frederic le moal
François de Coustin, Louis XIX, duc d’Angoulême, Perrin, septembre 2017, 476 p. — 25,00 €