Ile de beauté, île de tous les dangers
En quelques années, Michel Bussi s’est imposé comme un des auteurs de romans policiers les plus populaires du paysage littéraire français. Succès dû aux histoires très élaborées qu’il met en place, en fouillant la psychologie de ses personnages, les rendant ainsi très rapidement attachants. Le travail de recherches qu’il fait également avant chacun de ses romans assure également une grande crédibilité à ses histoires, ce qui est encore le cas dans son dernier livre, où l’île de beauté sert de cadre à un drame familial sur deux époques.
1983 : Clothilde vient d’avoir quinze ans quand elle perd ses parents et son frère dans un accident de voiture sur une route corse. Seule rescapée de ce drame, elle quitte la Corse pour construire sa vie sur le continent.
2016 : Clothilde revient passer des vacances avec son mari Franck et sa fille sur les lieux mêmes du drame. Pèlerinage souvenir, exorcisme du passé ? Toujours est-il qu’elle n’a jamais pu réellement faire le deuil de sa famille. Lorsqu’elle reçoit une lettre signée de la main de sa mère au camping où elle a passé toute sa jeunesse, toutes ses certitudes sont remises en compte. Sa mère Palma est-elle vraiment vivante ? Et si c’est le cas, comment est-ce possible ? Son grand-père, une figure de la région, et ses anciens amis d’enfance détiennent-ils les clefs de ce mystère ? Ou alors veut-on seulement jouer avec elle un jeu pervers et dangereux ? Contre l’avis des siens, Clothilde est prête à tout pour découvrir la vérité sur ce jour d’été qui a vu sa vie basculer dans le vide en même temps que la voiture familiale.
Le titre de ce roman de Michel Bussi prend tout son sens au fil des pages. Le temps est assassin nous entraîne dans une double narration, qui donne un rythme incontestable à l’histoire. Certains chapitres sont des extraits du journal intime de Clothilde alors qu’elle était adolescente et qu’elle passait ses vacances avec ses parents sans savoir qu’elles seraient les dernières. On y retrouve de nombreux clins d’œil aux années 80, qui feront sourire les lecteurs les plus mûrs. Le style enjoué, mais aussi révolté, de cette adolescente qui cherche à trouver sa place dans un groupe et qui connaît ses premiers émois amoureux, séduit le lecteur immédiatement.
D’autres chapitres nous ramènent au présent : Clothilde est devenue mère d’une ado qui lui échappe, son mari prévenant ne comprend pas son désir absolu de remuer le passé, sa famille corse qu’elle retrouve pour la première fois après les évènements tragiques encore moins. C’est une femme battante, éprise de vérité, intelligente qui va donc mener son enquête, quitte à en payer encore un lourd prix.
Ses tribulations tout au long de la côte de Calvi rendent aussi hommage à la pureté de cette île (malheureusement pas épargnée par l’avidité des promoteurs immobiliers), à l’authenticité de ses habitants, à la culture insulaire et aux magnifiques paysages corses. L’auteur en profite également pour ‘dénoncer’ l’urbanisation excessive qui pourrait défigurer une des plus belles îles de Méditerranée.
Autant d’éléments qui font également réfléchir sur le temps qui passe, et ce que chacun fait de sa vie, laissant derrière soi quelques rêves et quelques illusions aussi. Un roman dont les nombreuses qualités vous feront tourner les pages à une vitesse telle que vous oublierez justement ce temps assassin, qui n’épargne personne.
franck boussard
Michel Bussi, Le temps est assassin, Pocket, 2017, 612 p. — 7,80 €.