Zidrou & Francis Porcel, Chevalier Brayard

Une bien joyeuse comédie 

Les croi­sades ! Cer­tains en reviennent, pas auto­ma­ti­que­ment les meilleurs, mais pas les pires non plus ! C’est le cas du noble che­va­lier Bohé­mond Brayard, accom­pa­gné de Rigno­mer, un moi­nillon envoyé en Terre Sainte pour rame­ner les reliques de sainte Ber­trude. Celui-ci en a ras la ton­sure car cela fait 783 lieues que le che­va­lier braille des cou­plets lestes qui débutent par : “En reve­nant de Jéru­sa­lem, lem ! Lem ! 
Ils sont atta­qués par une jeune fille qui se pré­sente comme Hadiya­tal­lah, une prin­cesse arabe. Elle a besoin d’un che­val pour retour­ner chez elle, à Alep. Vite vain­cue, elle est atta­chée à la lance de Brayard. Une troupe, à la pour­suite de la fugi­tive, leur barre le che­min. Le com­bat s’engage mais Brayard recon­naît le baron d’Oléron, un ami, dans le groupe. Ils se donnent l’accolade et les expli­ca­tions sur la situa­tion. Il a une lettre, en arabe, du père de la jeune fille (c’est elle qui a tra­duit !) Celui-ci accepte de payer la fabu­leuse ran­çon à condi­tion que sa fille reste pure.
Brayard invite son ami chez lui et Rigno­mer rentre dans son couvent tout fier de ses reliques. Après avoir conté ses exploits, un moine remarque que le bas­sin de la sainte est celui…d’un homme ! Rigno­mer est envoyé secon­der le copiste, ce qui équi­vaut, pour lui, à l’enfer. Aussi quand l’occasion de repar­tir se pré­sente, il n’hésite pas. Avec Hadiya­tal­lah, ils tra­duisent dans le sens qui les arrange une nou­velle mis­sive qui, soi-disant, réclame le retour de la jeune fille à Alep où sera payée la ran­çon. Brayard, ne sup­por­tant pas la vie fami­liale entre une épouse aca­riâtre, des enfants comme des légumes, trop heu­reux, se porte volon­taire pour rame­ner la “prin­cesse” chez elle.
Mais, si l’aller n’était pas sans dan­gers, le retour l’est encore plus…

Les dif­fé­rentes croi­sades, au cœur de la période où culmina l’esprit che­va­le­resque, sont une source d’inspiration tant par les faits d’armes que par la ren­contre de deux civi­li­sa­tions. Mais peu d’auteurs se sont ins­pi­rés du sujet avec un ton aussi humo­ris­tique que le fait Zidrou. Les dia­logues valent leur pesant de sou­rires et de rires avec ce qu’il faut de pro­fon­deur pour mar­quer le trait, à la fois cocasse et cynique. Ainsi, quand Brayard s’excuse auprès de son ami de lui avoir tru­cidé des sol­dats, celui-ci mini­mise en disant : “Laisse tom­ber ! J’en ai plein d’autres au châ­teau.” Les jurons sont superbes et tou­jours en lien avec la situa­tion des per­son­nages. Quand les héros se retrouvent seuls en pleine mer sur un voi­lier que per­sonne ne sait pilo­ter, le moi­nillon s’exclame par : “par… Saint Tita­nic !
Zidrou com­pose un trio de per­son­nages à la fois hauts en cou­leur cha­cun dans leur genre, atta­chants, aux carac­tères psy­cho­lo­giques fort bien conçus et construits, mêlant huma­nisme et ten­dresse. Mais, sous l’humour, il dévoile quelques réa­li­tés moins roma­nesques, assène quelques véri­tés sur la réa­lité comme les pillages, les mas­sacres, les viols, les sac­cages per­pé­trés au nom d’un dieu dit de misé­ri­corde. C’est Georges Minois qui, dans sa bio­gra­phie sur Richard Cœur de Lion (Per­rin – 2017) un fameux acteur de l’épopée, défi­nit les croi­sades comme la ver­sion chré­tienne du Dji­had citant les encou­ra­ge­ments d’un pape de l’époque à tuer du païen.
Le scé­na­riste bro­carde joyeu­se­ment toutes les croyances reli­gieuses comme les miracles attri­bués aux saints, la valeur du juge­ment de dieu… Ne cher­chez pas de cor­res­pon­dance avec un autre che­va­lier por­teur d’un patro­nyme assez voi­sin, il semble qu’il y ait peu de points communs.

Fran­cis Por­cel assure le gra­phisme. Celui-ci donne vie de belle manière à ce trio si sym­pa­thique avec un des­sin dyna­mique, aux poses toniques et aux regards si expres­sifs. Si la mise en images et le décou­page des pages res­tent clas­siques, les scènes de com­bats sont éner­giques, menées avec un soin pré­cis du détail et de la ges­tuelle.
Avec Che­va­lier Brayard, les auteurs offrent un one shot de très belle fac­ture qui enchante par sa réécri­ture des croi­sades et de leurs conséquences.

serge perraud

Zidrou (scé­na­rio) & Fran­cis Por­cel (des­sin), Che­va­lier Brayard, Dar­gaud, Sep­tembre 2017, 80 p. – 14,99 €.

 

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