Jonathan Fly apparaît principalement dans les tomes 6 et 7 de la saga XIII, à savoir Le Dossier Jason Fly et La Nuit du 3 août, où il est assassiné par le Ku Klux Klan. Avec le présent spin-off, Luc Brunschwig dévoile une partie de l’enfance de Jason Mac Lane ou de Jason Fly et les relations avec son père adoptif.
Dans le Drury Plaza, le pasteur noir Isayah Caton-Wood est au téléphone avec Maya son épouse. À la télévision, un reporter fait état des violences qui se sont déroulées après son meeting. Il avoue ne plus contrôler la situation. Il reçoit une call-girl, une rousse incendiaire qui lui sert, à son insu, un gin drogué.
À Greenfalls, une petite ville montagnarde, Jason rentre avec deux truites alors que son père est au téléphone avec le rédacteur en chef du Washington Today. Celui-ci évoque la disparition du pasteur dont on est sans nouvelles depuis deux jours. Le FBI pense que ce dernier a choisi de fuir une situation qu’il ne maîtrisait plus. Jason propose de faire cuire les poissons. Son père acquiesce distraitement. Lorsque les truites sont prêtes, Jonathan dicte un article. Le garçon les jette et se met à la rédaction qu’il doit rendre.
L’événement, dans la petite ville de Greenfalls, est l’arrivée de Jasper Konrad Glover, le tout puissant directeur du FBI. Il n’est pas venu chasser depuis huit ans. Il est accueilli en héros car n’est-il pas une des plus fines gâchettes du pays ? Jonathan le connaît bien car leurs routes se sont croisées il y a quelques années. Il a une revanche à prendre…
Luc Brunschwig n’a pas son pareil pour construire une histoire, lui donner une fluidité narrative et entraîner ses lecteurs dans une intrigue d’une précision implacable jusqu’à un final de toute beauté. Et il tient son art du récit même quand il est placé, comme ici, dans un cadre strict et bien défini. Avec Jonathan Fly, le scénariste fait revivre ces années sombres où la lutte des noirs pour l’égalité, contre le racisme, donnait lieu à des scènes de violences. Si la situation a quelque peu évolué, à la lecture d’événements récents, rien n’est gagné et il reste bien du chemin à parcourir.
L’auteur dépeint un homme hanté par un souci de justice, par la traque de la vérité et par la volonté de retrouver son honneur bien outragé. Le père est présent dans la maison mais tellement préoccupé qu’il néglige son entourage. Et Jason en soufre, se sent délaissé voire abandonné d’autant que des scènes de sa vie d’avant lui reviennent. Par ailleurs, la personnalité de Glover, son aura de héros, entretenue à coups de mensonges, le fascine. Il ira contre son père soutenant la légende du directeur du FBI, ce qui explique certaines interactions dans la série.
On ne peut cependant s’empêcher de faire des rapprochements entre ces personnages de fiction et d’authentiques protagonistes de ces luttes. Ainsi, le couple Montrose pourrait être les époux Rosenberg, J.K. Glover ressemble fort à John Edgar Hoover et le pasteur Caton-Wood a des airs de Martin Luther King…
Olivier TaDuc assure un dessin réaliste, subtil et élégant par des traits fins et un juste équilibre dans l’ombrage. Le soin apporté aux détails, la justesse des expressions, tant des adultes que des enfants, les cadrages étudiés, précieux, concourent à d’admirables planches qui réjouissent la vue.
Avec Jonathan Fly, cette série trouve bien sa justification en apportant des éclairages complémentaires sur les principaux protagonistes d’une superbe saga.
serge perraud
Luc Brunschwig (scénario), Olivier TaDuc (dessin) & Bérangère Marquebreucq (couleurs), XIII Mystery, t.11 : “Jonathan Fly”, Dargaud, juin 2017, 56 p. – 11,99 €.