Une belle exploration d’une légende
Dans la Chapelle Sixtine, Zak Ikabi est fasciné par trois des neuf fresques de la Genèse, celles relatives à Noé. Il est là pour pénétrer dans la bibliothèque vaticane, dans la partie appelée l’Enfer où sont conservés les documents les plus “diaboliques”. Il veut consulter l’original du sulfureux Livre d’Enoch.
À Erevan, en Arménie, Kyrill à la tête d’un commando investit la cathédrale où est exposé un morceau de poutre de l’Arche trouvé par Saint-Jacob.
Pour Zak, qui avait minutieusement préparé son affaire, tout se déroule sans encombres, mais pas sans peine et il peut photographier le précieux livre. Dans la cathédrale le commando ne doit pas laisser de témoins, mais parmi les fidèles il y a un Français. C’est le grain de sable car exécuter un européen va entraîner des réactions…
Quelques temps après, à Kaliningrad, un homme au visage dissimulé par une capuche mène un groupe d’hommes armés dans l’université d’Etat. Il veut le rapport Roskovitsky de 1917. Il appelle Morad qui se trouve à Bordeaux et pénétrera le lendemain dans le musée d’Aquitaine où, parmi les pièces d’une exposition temporaire, se trouve la poutre ramenée du mont Ararat par Fernand Navarra. Zak est également sur place mais quand il met la main sur la relique, les tueurs sont sur ses talons. Se jetant à travers une fenêtre, il leur fausse compagnie et peut se rendre à Toulouse, au campus universitaire du Mirail pour consulter une étude menée par Cécile Serval sur l’évolution probable de la glaciation du mont Ararat. Ce sont les conclusions dont il a besoin. Ce rapport a été demandé par le Parlement mondial des religions qui siège à Melbourne, en Australie.
Que cherche Zak ? Pourquoi ces groupes armés des mafias d’Asie centrale, du Parlement, des polices turque, iranienne, azérie traquent-t-ils des documents et les morceaux de bois de l’Arche de Noé ?
Le romancier s’appuie, pour élaborer cette course-poursuite échevelée, sur le contenu des livres saints que sont La Torah, la Bible et le Coran, ainsi que sur des récits antérieurs ou contemporains tels que ceux de Gilgamesh le Sumérien, du Livre d’Enoch… Divisé en neuf courses, le récit ne laisse aucun répit dans le déroulement de l’intrigue, repoussant toujours la découvertes de la clé de l’énigme jusqu’à une chute singulière. l met en œuvre un théorème dit de Cortés du nom de ce conquérant espagnol qui l’appliqua au Mexique en détruisant en quelques mois, par cupidité, une civilisation millénaire.
La cohérence des théories, l’appréciation de certains points de légendes ou des textes sacrés avec un angle de vue pragmatique donnent à la réalité de l’Arche de Noé un éclairage novateur et réaliste. En effet, comme le décrit si bien Cécile Serval, comment le prophète aurait-il pu faire entrer des couples d’animaux vivant sur des terres inconnues à l’époque tels que les kangourous, les lamas, des poissons des grandes profondeurs… ?
Tout récit d’aventure intègre une histoire sentimentale, un rapprochement de deux ou plusieurs personnages avec les hauts et les bas inhérents à de telles rencontres dans un cadre de tension et de stress dus aux dangers permanents. Et la rencontre sentimentale n’est-elle pas, en elle-même, une aventure au sens propre du terme ? Certes, il faut se laisser emporter par le flot des actions, subjuguer par les péripéties sans nombre qui s’enchaînent, faire fi de coïncidences et de rencontres trop opportunes, de détails heureux.
L’auteur fait état des recherches, des quêtes menées depuis des siècles pour retrouver l’Arche, présente les différents aventuriers qui ont exploré les pentes du mont Ararat et contribué à construire la légende. Il détaille les différents sites de cette montagne, ceux où ont été découvert les vestiges du navire, la progression à travers les divers lieux remarquables.
La Dernière licorne, où Tobby Rolland donne l’origine de cet animal fabuleux, se lit avec passion pour ses apports, ses informations diverses et variées sur l’Arche, pour cette action omniprésente et pour sa manière d’éclairer un mythe fort répandu dans presque toutes les civilisations.
serge perraud
Tobby Rolland, La Dernière licorne, Presses de la Cité, mai 2017, 594 p. – 22,00 €.
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