Anna Ekberg, La femme secrète

Une intrigue magis­trale qui déjoue toutes les attentes

Anna Ekberg est le pseu­do­nyme de deux roman­ciers danois, Anders Røn­now Klar­lund et Jacob Wein­reich. Ils écrivent éga­le­ment sous le pseu­do­nyme d’A.- J. Kazinski. Deux de leurs romans ont été publiés chez JC Lat­tès : Le Der­nier homme bon et Le som­meil et la mort.

Dans les locaux de la police, une femme est pros­trée. Des jour­na­listes essaient, depuis l’extérieur, de la pho­to­gra­phier. Refu­sant l’assistance d’un avo­cat, Hélène Söder­berg avoue : “Je l’ai tuée. J’ai tuée Louise Ander­sen.” Sur l’île de Chris­tiansø, dans un petit archi­pel de la Bal­tique, Louise se lève alors qu’elle entend le cli­què­te­ment que fait Joa­chim écri­vant dans la pièce voi­sine. Mais sa jour­née de repos est gâchée par l’absence d’une employée qu’elle doit rem­pla­cer dans le café qui lui appar­tient. Un homme, au dehors, cherche à entrer. Il veut lui par­ler car il est convaincu qu’il vient de retrou­ver Hélène, son épouse dis­pa­rue depuis des années. Il fait un tel esclandre que la police inter­vient. Cepen­dant, les argu­ments qu’il avance, la photo qu’il exhibe semblent lui don­ner rai­son. Louise ne sait plus, ne sait pas. Elle est très trou­blée. C’est à l’hôpital que la vérité éclate avec les tests ADN. Ceux-ci la dési­gnent comme étant Hélène, l’épouse d’Edmund Söder­berg, membre d’une puis­sante famille danoise, le P.-D.G. de Söder­berg Ship­ping, et la mère des deux enfants.
Les vies des uns et des autres bas­culent. Pour­quoi Hélène est-elle par­tie ? Pour­quoi a-t-elle tout oublié ? Que voulait-elle occul­ter ? Qui est-elle vrai­ment ? Qu’en est-il de Louise ? Est-elle cette Louise Ander­sen éle­vée dans un orphe­li­nat, cou­pable de menus délits et dont per­sonne n’a de trace entre ses dix-neuf ans et sa venue sur l’archipel à trente-huit ans ?

L’intrigue s’appuie, entre autres, sur le fait médi­ca­le­ment constaté, qu’un indi­vidu peut occul­ter des sou­ve­nirs, perdre la mémoire. Les causes en sont psy­chiques, occa­sion­nées par des évé­ne­ments trau­ma­ti­sants, des émo­tions extrêmes. Mais qu’est-ce qui a pu moti­ver, dans le passé d’Hélène, une telle occul­ta­tion ? Où était la véri­table Louise ? Est-ce envi­sa­geable qu’à un moment donné les deux femmes aient pu se ren­con­trer ? Que sont-elles deve­nues ?
Cette quête iden­ti­taire amène les prin­ci­paux pro­ta­go­nistes à se lan­cer dans des enquêtes pour ten­ter de com­prendre les rai­sons, les causes qui les ont ame­nés dans la situa­tion sin­gu­lière où ils se trouvent.

Atten­tion, le lec­teur pressé qui lâche­rait le roman au bout d’une soixan­taine de pages où il semble que tout est dit, que le reste ne serait que du rem­plis­sage doit révi­ser rapi­de­ment son juge­ment, cette impres­sion, car ce couple d’auteurs est dia­bo­lique. Ils pro­posent plu­sieurs his­toires en une, plu­sieurs par­cours chao­tiques dont la réuni­fi­ca­tion reste pro­di­gieuse. L’histoire d’Hélène Söder­berg, celle de Louise qui essaie de se sou­ve­nir de sa vie. Elle va devoir enquê­ter sur son his­toire fami­liale, sur son époux, sur elle-même pour décou­vrir ce qui lui est arrivé. Joa­quim, de son côté, va se pen­cher sur l’histoire de Louise afin de trou­ver ce qu’elle est deve­nue. Il plonge alors dans un côté sombre du Dane­mark et nous entraîne dans un roman plus noir, plus âpre, plus violent. Ils découvrent des secrets de famille, des catas­trophes, des drames.
Les roman­ciers jouent avec une intrigue où les actions et les rebon­dis­se­ments sont légion. Il s’agit plus de coups de théâtre et de situa­tions à conno­ta­tion psy­cho­lo­giques, de révé­la­tions psy­chiques, autour de ces vio­lences conju­gales au sein des familles que de luttes entre super com­bat­tants por­teurs de pou­voirs ou d’armes puis­santes et sophistiquées.

Le décor prin­ci­pal du récit se situe sur l’île Chris­tianø, une terre minus­cule qui fait par­tie d’un archi­pel de la Bal­tique détenu et géré par le minis­tère de la Défense. Les habi­tants ne paient pra­ti­que­ment pas d’impôts car il faut des occu­pants per­ma­nents pour évi­ter que ces ter­ri­toires ne soient occu­pés par les Russes. Le duo d’auteurs signe un thril­ler sur­pre­nant de bout en bout, allant de révé­la­tions en révé­la­tions avec des per­son­nages aux pro­fils ter­ri­ble­ment humains.
Un récit d’une grande force où la ten­sion gagne à chaque chapitre.

serge per­raud

Anna Ekberg, La femme secrète (Den Hem­me­lige Kvinde), tra­duit du danois par Hélène Guille­mard, cherche midi, coll. “Thril­lers”, mai 2017, 480 p. – 22,00 €.

 

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Filed under Pôle noir / Thriller

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