Thierry Gloris & Sergio Bleda, NSA — t.2 : Dédale

Une élec­tion truquée ?

Thierry Glo­ris base une par­tie de son intrigue sur un com­plot qui trouve sa source dans le lob­bying de pétro­liers, déve­loppe ainsi un Voter­gate de l’Ohio, un pira­tage infor­ma­tique qui aurait per­mis la réélec­tion de George Bush Junior. Les pétro­liers avaient besoin des Répu­bli­cains aux affaires car ceux-ci : ” …étaient plus prompts à satis­faire leurs inté­rêts.” Et en effet, une loi de 2005 exempte les sub­stances chi­miques uti­li­sées lors de la frac­tu­ra­tion hydrau­lique des res­tric­tions du Safe Drin­king water act. C’est un énorme, et authen­tique, per­mis de pol­luer !
Ce qui est éga­le­ment authen­tique, ce sont les condi­tions plus que dou­teuses qui pèsent sur cette élec­tion de 2004, comme c’est la sus­pi­cion sur celle de 2000, une défiance qui pèse encore plus fort sur celle de 2016. Les faits s’enchaînent et se coor­donnent tant dans la réa­lité que dans la fic­tion qu’en tire le scénariste.

Apollo est autiste Asper­ger et ses capa­ci­tés d’analyse sont uti­li­sées par la NSA. À la mort « acci­den­telle » de sa mère, auquel il était très atta­ché, il “bugge”. Les res­pon­sables de l’Agence vont cher­cher Oz, sa demi-sœur, pour le rame­ner à la rai­son. Mais un groupe de tueurs les traquent. Mal­gré leurs efforts pour semer leurs pour­sui­vants, ceux-ci les retrouvent. Oz découvre alors des tra­ceurs dans leurs vête­ments et chaus­sures. C’est donc en sous-vêtements que l’on retrouve le frère et la sœur en com­pa­gnie d’Allan Lit­tle, un jour­na­liste du Phi­la­del­phia Inqui­rer, dans la voi­ture de ce der­nier. Au QG, c’est la panique ! Le super­vi­seur Krinsky ne veut que du per­son­nel de la sec­tion Oracle sur cette opé­ra­tion qui doit se trai­ter en interne. Pour ten­ter de com­prendre les moti­va­tions des tueurs, le trio ne dis­pose que de 062194, le code rési­duel d’un virus, code qui cor­res­pond éga­le­ment à la date de nais­sance d’Apollo. Le virus avait été activé pour la réélec­tion du Bush Junior, en 2004, par un lobby pétro­lier que se fai­sait appe­ler Le Trust.
Après la décou­verte des cadavres dans la rési­dence d’Apollo, les fugi­tifs ont à leurs trousses le FBI et les sbires d’Oracle. Pour faire échouer la machi­na­tion, ils doivent trou­ver les rai­sons qui motivent le meurtre de l’autiste. Pour cela, il faut fouiller dans son passé. Une course contre la montre s’engage.

Dans son trio de héros, il intègre deux pro­ta­go­nistes aux pro­fils assez clas­siques, une poli­cière peu por­tée à entrer dans un moule et un jour­na­liste d’investigation, bien que ce der­nier soit une espèce en voie d’extinction. La “néces­sité” d’une infor­ma­tion immé­diate n’autorise plus les enquêtes trop longues, l’approfondissement des faits, de creu­ser sous l’apparence des évé­ne­ments. Le scé­na­riste conçoit une intrigue fort bien construite, dyna­mique, où l’action, très pré­sente, n’exclut pas des infor­ma­tions pas­sion­nantes sur la vie poli­tique amé­ri­caine.
Il fait preuve d’un humour cor­ro­sif tant dans les situa­tions que dans les dia­logues et offre des réflexions cocasses, ana­lyse des situa­tions sous un angle prag­ma­tique et amu­sant. Ainsi, il pro­pose un dis­tri­bu­teur de billets de la Ker­viel Bank. Quand Apollo se désole d’être : “…le résul­tat d’une expé­rience dans une éprou­vette.”, Oz rétorque : “Et moi, celui d’un mélange de fluides cor­po­rels dans une par­tie de jambes en l’air.” Le des­sin réa­liste de Ser­gio Bleda est dyna­mique. Il pro­pose une lec­ture facile du scé­na­rio par une mise en images har­mo­nieuse et des angles de vues bien tra­vaillés. Les décors sont très pré­sents, pas de grand ciel bleu ou de murs d’un gris uni­forme. Tou­te­fois, si les visages des per­son­nages sont rela­ti­ve­ment stables compte tenu de l’expression de leurs émo­tions, le des­si­na­teur a plus de mal avec la maî­trise de celui d’Oz.

Ce second volet com­plète heu­reu­se­ment le début avec une belle intrigue, sub­tile, habi­le­ment menée et un gra­phisme qui, outre le détail cité plus haut, est de bonne facture.

serge per­raud

Thierry Glo­ris (scé­na­rio), Ser­gio Bleda (des­sin) & Jesús Yugo (cou­leurs), NSA t.2 : “Dédale”, Cas­ter­man, février 2017, 48 p. – 13,95 €.

 

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