Jean-Yves Le Naour, Marko & Holgado, Verdun — t. 2 : L’Agonie du fort de Vaux

Un sym­bole de l’acharnement des com­bats à Verdun !

Avec des faits d’armes bien iden­ti­fiés, Jean-Yves Le Naour retrace les évé­ne­ments qui font de la bataille de Ver­dun, en 1916, une des plus célèbres de la Grande Guerre. La série qui doit com­prendre quatre albums débute avec Avant l’Orage qui relate la suc­ces­sion des évé­ne­ments pré­cé­dents ces com­bats, une posi­tion stra­té­gique à laquelle Joffre refuse de ren­for­cer per­suadé que la grande bataille aura lieu en Cham­pagne. En jan­vier 1916 l’attaque alle­mande, qui ne fait plus de doute, ne le fait pas chan­ger d’avis. Il menace même de démis­sion­ner si les poli­tiques se mêlent de ce qui ne les regarde pas !
Dans le pré­sent album, le scé­na­riste entre­prend de racon­ter en détails les quelques jours de juin 1916 où une gar­ni­son assié­gée tient tête à l’armée du Kaiser.

L e 23 mai 1916, le géné­ral Nivelle, chef de l’armée de Ver­dun, expose la gra­vité de la situa­tion et demande un volon­taire. Ray­nal, bien que blessé au ventre, se pro­pose pour prendre le com­man­de­ment du fort de Vaux. Celui-ci est situé aux avant-postes des lignes fran­çaises, le ver­rou qui empêche la prise de Ver­dun.
Ray­nal découvre une réa­lité cri­tique. Les sol­dats sont déter­mi­nés mais ont pro­fité du chan­ge­ment de com­man­de­ment pour relâ­cher la dis­ci­pline. Il apprend que le géné­ral Man­gin a échoué à reprendre Douau­mont aux enne­mis. Les moyens de com­mu­ni­ca­tions avec le QG res­tent fra­giles. Le plus sûr est encore le pigeon voya­geur. C’est le 1er juin que l’attaque se déclenche et le fort est assiégé de toutes parts. Si le recen­se­ment des pro­vi­sions est opti­miste tant en nour­ri­ture qu’en eau, il l’est pour une gar­ni­son nor­male. Mais il faut prendre en compte l’arrivé de petits groupe de com­bat­tants fuyant l’attaque. Celles-ci se suc­cèdent, pré­cé­dées de bom­bar­de­ments intenses. L’ordre de tenir coûte que coûte est encou­ragé par la pro­messe d’une attaque mas­sive de l’armée fran­çaise. Et puis la citerne, qui devait être pleine, s’est vidée, fis­su­rée par les bom­bar­de­ments intensifs…

Jean-Yves Le Naour n’a pas son pareil pour racon­ter ce que fut la Grande Guerre, met­tant en récit les faits les plus impor­tants comme ceux qui peuvent paraître ano­dins mais qui sont essen­tiels pour bien com­prendre la situa­tion, l’atmosphère ou l’ambiance. S’il se place aux plus hauts niveaux de déci­sions, il sait don­ner la parole au Poilu, à l’humble sol­dat issu de sa zone rurale. Il raconte, sans fio­ri­ture les incu­ries du com­man­de­ment, l’incompétence d’un Joffre, celles des ministres pré­oc­cu­pés de gar­der leur por­te­feuille. On ne peut que recom­man­der, sur la connais­sance de la Grande Guerre, sa série parue chez Per­rin où chaque volume a pour titre l’année racon­tée : 1914, 1915
Avec cette suite de bandes des­si­nées, il se fixe sur Ver­dun, cette ville deve­nue un mythe, celui du cou­rage et de la résis­tance d’une vaillante armée fran­çaise. Des noms émergent de cette gigan­tesque bataille qui s’étala du 21 février au 19 décembre 1916 et qui fit plus de 700 000 vic­times (morts, dis­pa­rus, bles­sés). Cette bataille a vu une débauche d’artillerie sans pareil. Si l’on ramène le nombre des obus tirés, tant du côté fran­çais qu’allemand, à la sur­face des com­bats, on obtient six pro­jec­tiles par mètre carré. Le fort de Vaux illustre l’acharnement des com­bats menés et l’abnégation dont ont su faire preuve de simples sol­dats. Avec la bataille du fort de Vaux, la pro­pa­gande fran­çaise et alle­mande va construire une image légen­daire, don­nant une dimen­sion héroïque, une construc­tion mytho­lo­gique qui gomme les pires souf­frances endu­rées par des hommes pris au piège. Elle éclipse aussi le résul­tat mili­taire nul de ces com­bats. C’est plus un sym­bole de inuti­lité, de car­nage, de bou­che­rie que d’actes glorieux.

M arko assure la mise en scène du récit. Hol­gado en réa­lise le des­sin et Sébas­tien Bouet la mise en cou­leurs. Le résul­tat est à la hau­teur du scé­na­rio, réa­liste, res­ti­tuant par­fai­te­ment la réa­lité de la situa­tion et l’atmosphère qu’il a pu régner en ces lieux.
Un album à lire abso­lu­ment pour mieux connaître les souf­frances endu­rées par des combattants.

serge per­raud

Jean-Yves Le Naour (scé­na­rio), Marko (mise en scène), Inaki Hol­gado (des­sins) & Sébas­tien Bouet (cou­leurs), Ver­dun t. 2 - L’Agonie du fort de Vaux, Bam­boo, coll. Grand Angle, février 2017, 56 p. – 13,90 €.

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