Nostradamus et ses disciples
À Salon de Crau, alors que Michel de Nostredame, alias Nostradamus, a la vision d’un Germain qui, dans des temps futurs, sèmera la haine et la désolation, deux enfants livrent un paquet. Il contient les statuettes d’un chat et d’un hibou avec un mot, “bientôt”. Leur vue terrifie le vieil homme. Le lendemain, Nostradamus décide de raconter à Anne, son épouse, le secret qui le ronge depuis trente ans. Lors de la grande épidémie de peste noire, pour aller soigner, il a laissé sa famille qu’il a confiée à son ami et mentor Jules César Scaliger. Il a donné à ses deux enfants ces statuettes qu’il avait sculptées. Lorsqu’il est revenu, tous avaient péri…
C’est alors que son secrétaire lui apprend qu’il est sans nouvelles de ses disciples. Il a envoyé Angélique Obscura, une nécromancienne, à Montélimar pour démasquer des escrocs, Arthus Trivium et Angulus Dante en Avignon pour confondre un évêque pédophile. Par ailleurs, Nostradamus est persuadé courir un grand danger. Il a reçu, en sa maison, le jeune roi de France, Charles IX, venu le consulter. À la tombée de la nuit, la demeure est envahie par des créatures blafardes aux yeux de feu. Elles accompagnent Scaliger, mort depuis sept ans, et Zagan, l’un des seigneurs des enfers qui dirige la horde de ces diables morts-vivants. Le premier veut se venger de l’apothicaire. Il a été profondément humilié lorsqu’Henri-Cornelius Aggripa et Paracelse l’ont convoqué pour lui faire part de leur choix quant au troisième magicien : Nostradamus.
Tout le monde connaît Michel de Nostredame (1503–1566), ce fameux apothicaire auteur de prédictions sous forme de quatrains dont le sens et l’interprétation sont loin d’être limpides. Ces prédictions peuvent, en effet, être expliquées de la façon qui convient le mieux à celui qui veut en faire usage. Ainsi, le scénariste après avoir mis en scène celle qui pourrait désigner Hitler, utilise avec habileté, au début du second album, un quatrain qui peut s’appliquer à l’attaque des Twin Towers. Mais il donne une autre dimension à ce personnage authentique en lui prêtant, à travers les actions de ses trois disciples, des interventions sur des affaires délicates qui se déroulent à son époque et sur une situation fantastique dangereuse où il se trouve impliqué au premier chef.
Mêlant avec adresse des éléments authentiques comme l’existence de Jules César Scaliger, le scénariste met en musique une intrigue qui tient du roman d’aventures, du roman de cape et d’épées et du fantastique. L’affaire, dont s’occupent les deux disciples vis-à-vis de l’évêque, semble relever d’un contexte actuel à moins que l’auteur ne fasse un lien avec une autre situation célèbre concernant des enfants, celle de Gilles de Rais.
Si, dans le premier tome, le récit s’accorde avec l’aventure et l’action, le second album verse dans le récit fantastique et surnaturel avec cette ouverture des enfers et cette invasion de zombies, mais reste aussi dynamique tant les combats sont féroces et nombreux.
Les dessins de Juan Luis Landa (qui a bien fait d’abandonner la chimie métallurgique) sont pétillants et denses. Il rend palpable l’ambiance sombre et baroque de l’univers concocté par Raule, lui conférant une sensualité singulière. Il donne à ses personnages une expressivité remarquable et assure un découpage dynamique de cases bien remplies, fourmillant de détails.
L’action du second album se déroulant sur une nuit, avec quelques flash-backs, le dessin de Landa est moins lumineux que dans le premier, mais toujours aussi beau.
serge perraud
Raule (scénario), Juan Luis Landa (dessin et couleurs), Arthus Trivium,
– t. 1 : “Les anges de Nostradamus”,
– t.2 “Le troisième magicien”,
Dargaud, janvier et octobre 2016, 48 p. – 13,99 € l’album.