Des suites de la Guerre froide
La 14e colonie est le nom de code d’un plan qui échoua par trois fois. Il a été conçu après la Guerre d’Indépendance par les Pères Fondateurs qui auraient bien voulu voir ce territoire rejoindre la confédération naissante. Puis, réactivé en 1812 et 1940 comme un programme d’invasion, il est resté sans effets. Steve Berry excelle dans l’art de faire côtoyer, avec les besoins en actions du thriller, des événements authentiques, des éléments du passé plus ou moins ésotériques selon les sujets.
Dans ce roman paru aux USA en 2016, l’auteur anticipe le changement de Président et évoque la façon dont les équipes se succèdent, les conflits, les heurts, les manœuvres auxquelles se livrent des fonctionnaires pour conserver leur place. Passionnant et lamentable ! Il aborde, pour la première fois, les problématiques d’une époque pourtant récente, celle de la Guerre froide car certains secrets commencent à émerger, à être dévoilés au grand jour. Il prend en compte les séquelles laissées par ce conflit, par la chute de l’URSS. Il place dans la bouche de ses personnages des propos peu amènes quant à la Russie et à ses dirigeants depuis l’émergence de celle-ci.
Au Vatican, le 7 juin 1982, Ronald Reagan rencontre, en tête à tête, Jean-Paul II. Ils décident d’éliminer l’URSS.
De nos jours, Cotton Malone survole le lac Baïkal à la demande des services secrets russes. Il doit vérifier la présence d’un ancien archiviste auprès d’Aleksandr Zorine, un ex-espion du KGB, un jusqu’au-boutiste qui veut venger la déchéance de l’URSS.
À Washington, Stéphanie Nelle n’a plus d’agents sous ses ordres car la division Magellan est dissoute comme l’ont décidé le nouveau président et sa nouvelle équipe. Cependant, c’est à la demande expresse de Danny Daniels, encore aux commandes pour quelques jours, qu’elle a envoyé Cotton en Sibérie.
Luc Daniels a reçu de son oncle, la mission de surveiller Onya Petrova, la jeune maîtresse de Zorine. En Virginie, il suit celle-ci jusqu’à une maison abandonnée où elle défonce une cloison à coups de hache, mais il se fait repérer. Elle le pend en chasse, le nargue, le mitraille et détruit sa précieuse Mustang gris métallisé de 1961, presque neuve.
Cotton, dont l’avion a été abattu par un missile, est en situation périlleuse. Stéphanie, sans nouvelles de lui, contacte Cassiopée Vitt qui reconstruit un château en France et lui demande d’aller à son secours. Un secours bienvenu car s’il a été aidé par l’archiviste qui a tué les deux hommes qui le tabassaient, il est pris en chasse par des hommes de l’armée. Mais avant, il a appris que Zorine veut actionner des mini-bombes atomiques disséminées dans le monde quand le KGB était tout puissant. Des exemplaires encore actifs sont sur le sol des États-Unis…
Historiquement, le romancier appuie son intrigue sur quelques points parmi lesquels on peut citer Les Cincinnati, la 14ème colonie, la faiblesse d’un point de la Constitution et les suites de la Guerre froide telles qu’on peut les imaginer. Cependant, si un personnage décrit ce qu’est devenue la Russie aux mains de dirigeants pourris et de bandits, il omet de voir que sous le régime communiste les dirigeants stupides et corrompus se comportaient comme des professionnels, pire que les nazis, dans le meurtre de masse. De plus, une bonne partie des membres du KGB avaient une situation très privilégiée par rapport au moujik de base.
Steve Berry s’est rendu sur place, pour des repérages dans les lieux où il voulait placer une partie de son récit. Même s’il en a changé la destination, a pris des libertés pour les plier aux différentes actions et péripéties de sa fiction, ils sont la réplique de ce qu’il a pu visiter. Cela donne une authenticité à son histoire. De plus, il mêle, dans ces décors, des événements avérés, des situations vécues par des personnages historiques.
Il mêle également des intrigues sentimentales, le fil rouge des amours de Cotton et Cassiopée avec ses hauts et ses bas, ceux de Stéphanie. Il dévoile sa carrière, son intervention occulte car il en fait la négociatrice entre la présidence de Ronald Reagan et le Vatican pour mener le plan Passe en avant. Il utilise avec brio les flash-backs qui donnent une respiration et permettent d’approfondir les personnalités. Il offre, ainsi, pour le lecteur fidèle de la série une remise en mémoire et pour le nouveau, un éclairage pour mieux comprendre la situation où sont placés les protagonistes.
Avec ce nouveau roman, Steve Berry aborde une vision nouvelle des rapports Etats-Unis-URSS dans un thriller où l’action reste omniprésente.
serge perraud
Steve Berry, La 14e Colonie (The 14th Colony), traduit de l’anglais (États-Unis) par Philippe Szczeciner, cherche midi, coll. “Thriller”, Septembre 2016, 610 p. – 22,00 €.