Un étrange parfum pour le commissaire !
Pascal Marmet construit une intrigue adroite où il mêle aux fondamentaux d’une enquête policière quelques touches de sorcellerie. Il met en scène des personnages bien campés que l’on suit avec grand plaisir, quel que soit leur rôle dans l’histoire présentant des personnages variés, du commandant Chanel, un misogyne qui, toutefois, revient sur ses préventions vis-à-vis des femmes avec les deux nouvelles stagiaires qui font preuve d’intuition, à Laurent, ce jeune garçon livré à lui-même qui développe le syndrome de Peter Pan, en passant par cette femme au passé incertain…
Malgré le sous-effectif de son équipe, le commandant François Chanel, chef de groupe au “36”, se retrouve en charge d’une affaire de meurtre parce que le procureur impose : “Je veux Chanel”. Laurent, vient d’avoir dix-huit ans. Il erre sans but dans la gare de Lyon, mis à la porte par sa mère au prétexte qu’il était, maintenant, un adulte et qu’elle n’avait plus d’obligation vis-à-vis de lui. Il se fait repérer par Samy qui l’entraîne dans un cambriolage.
Ils pénètrent dans un immeuble de l’Impasse de Conti, dans un appartement qui semble transformé en hutte africaine. Ils découvrent au pied de l’escalier menant à une mezzanine une femme évanouie toute vêtue de rouge. Laurent veut lui porter secours, mais Samy lui impose de fouiller à la recherche de valeurs. Dans un coffre de la mezzanine, Laurent trouve deux statuettes dont l’une est lardée d’épingles, et une grosse liasse de billets. La femme s’est réveillée. Il lui donne à boire mais reste sourd à sa demande de prévenir le Samu contre une grosse récompense. C’est à la gare de Lyon, après l’inventaire de son butin, qu’il se décide à appeler les secours…
La police, prévenue, découvre cette femme tuée de trois coups de revolver.
Samy, retrouvé rapidement grâce au témoignage d’un voisin, reconnaît les faits et dénonce Laurent qu’il considère comme un benêt. Or, le benêt, sur les fichiers, apparaît bien différent. Cependant, Chanel est persuadé que le jeune homme n’a pas tué. Diverses pistes s’orientent, à partir de l’étrange passé de la victime épouse d’un ex-préfet assassiné récemment, vers un univers d’affaires passablement troubles où la magie joue encore un rôle…
Avec l’enquête de François Chanel, l’auteur permet de découvrir de façon attractive les structures de la gare de Lyon, sa face cachée, les différents niveaux de fonctionnement transparents aux usagers, ceux-ci ne faisant que passer rapidement. Il explicite les Arts premiers, ces pièces uniques de sociétés tribales, cet art qui tient toute la place au musée du Quai Branly.
Il évoque, également, les effets de la décision prise, sans concertation aucune, de faire déménager, dans des locaux certes plus fonctionnels, les deux mille personnes du 36 Quai des Orfèvres. Il soulève des interrogations quant au devenir de ces locaux, au cœur historique de Paris, esquissant les appétits suscités par une telle perspective et fait se poser la question bien dans le contexte : à qui profite le crime ? Quels affidés, quels lobbies sont à l’action derrière une telle décision ?
Par contre, l’âge d’Albane, cette dame qui meurt de trois balles, est une sorte d’énigme, celle-ci, en effet, variant au fil de l’histoire entre quadragénaire et presque sexagénaire.
Avec Tiré à quatre épingles, Pascal Marmet signe un nouveau roman à l’histoire prenante qui se lit avec beaucoup de plaisir.
serge perraud
Pascal Marmet, Tiré à quatre épingles, Michalon Éditeur, août 2016, 272 p. – 18,00 €.