Zidrou & Mattéo, Marina — t. 3 : “Razzias !!!”

Immor­telle Venise !

Dans le troi­sième volet de son thril­ler éso­té­rique, Zidrou met l’accent sur les actions de pira­tage menées par son héroïne. Elle a décidé de frap­per la ville qui l’a reje­tée là où cela fait mal à cette cité com­mer­çante, enri­chie par les échanges, en détrui­sant ce qui concourt à faire la richesse de la Séré­nis­sime. Cette situa­tion amène une réac­tion rapide des auto­ri­tés. Zidrou conti­nue de construire un récit qui emprunte au thril­ler, jouant sur une fic­tion his­to­rique, met­tant en scène la pira­te­rie, un exer­cice qui fai­sait fureur à l’époque. Il pointe aussi du doigt le peu de cœur des hommes de pou­voir, ceux-ci n’hésitant pas à renier, sacri­fier leurs enfants pour ne pas perdre leur sta­tut et les avan­tages qui y sont liés. Il s’attache à repla­cer les per­son­na­li­tés qui, confron­tées dès l’enfance à la vio­lence, ne savent deve­nues adultes, que reco­pier, que repro­duire ce qu’ils ont vécu, que redon­ner la cruauté dont ils ont fait l’objet.

La Venise d’aujourd’hui est aux prises avec des catas­trophes. Fede­rico a retrouvé l’épave de la Pan­te­gana, du nom du plus grand cau­che­mar que la ville ait connu à l’issue du plus grand crime qu’elle ait jamais com­mis. À cette époque, la cité subit des bou­le­ver­se­ments annon­cés, de façon obs­cure, par Dante Ali­ghieri. Et, ce qui s’est passé dans les années 1340, et que les Véni­tiens avaient résolu, se déroule à nou­veau à notre époque. Est-ce le fait de Marina, la fille du doge Dan­dolo ? C’est ce que pense celui-ci, per­suadé que c’est sa fille mau­dite qui fait pla­ner ces menaces sur sa cité.
Lors de la céré­mo­nie annuelle qui scelle l’alliance entre la ville et la mer, le Bucen­taure, le navire d’apparat, est atta­qué par une bête de grande taille que per­sonne ne peut iden­ti­fier. C’est la porte ouverte aux sup­po­si­tions et resur­git alors la bête à mille dents, un cro­co­dile qui avait fait des ravages quatre ans plus tôt mais qui avait dis­paru après avoir été blessé. Le doge est per­suadé que cet inci­dent est un pré­sage et que Marina va frap­per Venise. Celle-ci est près de Bruges où elle attaque un convoi de galères mar­chandes pour en détruire les car­gai­sons.
De nos jours, Venise subit de graves dégâts cau­sés par une Acqua Alta, la plus haute jamais enre­gis­trée, et par le nau­frage du Colosse de Rhodes, un énorme paque­bot de croi­sière qui a, entre autres, éven­tré le palais des Doges. Ces catas­trophes cor­res­pondent aux pro­phé­ties. Fede­rico est per­suadé que des liens existent entre ce que la ville a connu dans les années 1340 et ce qui se déroule aujourd’hui. Il va pou­voir, grâce à un par­che­min retrouvé dans l’épave et en cours de recons­ti­tu­tion, connaître les moyens uti­li­sés en 1340 pour venir à bout du fléau annoncé dans la 7e et der­nière pro­phé­tie.
Marina, qui veut frap­per Venise dans ce qu’elle a de plus cher, détruit les mar­chan­dises des navires ce qui sus­cite, de la part des pirates qui l’accompagnent, une révolte devant tant de richesses perdues…

Menée avec rythme, cette his­toire qui se répond à tra­vers les siècles cor­res­pond à deux visages de cette cité qui a dominé le bas­sin médi­ter­ra­néen. Mais l’art de Zidrou consiste éga­le­ment à mettre en scène des per­son­nages authen­tiques avec des faits authen­tiques. Ainsi, il ne pro­pose pas la 7e pro­phé­tie au hasard. Elle se rat­tache à une conta­mi­na­tion qui débor­dera lar­ge­ment le cadre de la lagune pour tou­cher presque toute l’Europe. Il met en scène éga­le­ment une per­son­na­lité lit­té­raire qui exalte, à tra­vers les enquêtes de son célèbre com­mis­saire, la Séré­nis­sime.
Avec son gra­phisme tout en ron­deur, Mat­teo donne une dimen­sion sin­gu­lière à ce récit. Il réa­lise une mise en images remar­quable, res­ti­tuant à sou­hait des ambiances glauques, pro­po­sant de magni­fiques et gran­dioses pages avec une recons­ti­tu­tion du cadre et du décor de toute beauté. S’il peau­fine ses per­son­nages don­nant à cha­cun une spé­ci­fi­cité constante, il offre, grâce à l’aquarelle, des ciels tour­men­tés à sou­hait, des décors d’un réa­lisme confon­dant.
Dans Raz­zia !!!, le scé­na­riste conti­nue de dérou­ler, pour le plus grand bon­heur de ses lec­teurs, ce qui a fait la répu­ta­tion de Venise, sa puis­sance construite sur des alliances, des tra­hi­sons, des luttes de pou­voir et des secrets bien gardés.

serge per­raud

Zidrou (scé­na­rio) & Mat­teo (des­sin et cou­leur), Marina, t. 3 : “Raz­zias !!!”, Dar­gaud, juin 2016, 56 p. – 13,99 €.

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