Et si votre dernier amour était aussi le premier ?
Il est assez rare de faire de l’amour au troisième âge le sujet principal d’un roman, et encore plus rare de traiter ce thème avec intelligence, sensibilité et sans aucune faute de goût.
C’est ce que réussit Karine Lambert, déjà plébiscitée pour son premier roman L’immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes. Elle confronte les destins de deux personnes dans la fleur de l’âge qui, au mépris des préjugés et de la pression des leurs, vont réussir à connaître un amour des plus forts.
Marguerite, soixante dix-huit ans, est veuve depuis peu. Depuis le “départ” d’Henri, notaire de son état, elle végète seule dans sa maison. Sa vie est rythmée au gré des visites de son fils, sévère et toujours inquiet pour elle, et seule sa bonne Maria et son petit fils Ludovic lui apportent un peu de gaieté. Marcel, quant à lui, est arrivé d’Algérie en 1954, et a épousé son premier amour, la pétulante Nora. Quand celle-ci disparaît brutalement lors d’une baignade, son cœur se brise. Sa fille l’oblige à partir en cure thermale quelque temps pour se requinquer. C’est pendant ce séjour qu’il va faire la connaissance de Marguerite.
L’improbable va avoir lieu, leurs cœurs vont battre à nouveau à l’unisson, et tous deux vont reprendre goût à la vie. Mais à braver le temps, les conventions sociales, leur permettra-t-il de réellement donner libre cours à leur insouciance de “plus très jeunes tourtereaux” ?
Dés les premières pages, le lecteur se laisse séduire par les personnages de Marguerite et Marcel, qu’il découvre dans des chapitres alternés, avant que leurs chemins parallèles finissent par ne faire qu’une seule route. Tous deux entament le dernier quart de leur existence, et vivent dans des milieux très différents. Marguerite doit lutter contre les contraintes imposées par son fils, qui la préfèrerait en maison de retraite. Marcel trouve du réconfort auprès d’un vieux rhinocéros, et de sa fille aussi.
Leur rencontre totalement inattendue fait oublier les rendez-vous convenus organisés par de nombreux réseaux sociaux aujourd’hui, et permet à chacun de croire à l’impossible. Reconstruire(ou se construire) une vie après soixante-dix ans, même avec la santé, et les progrès sociaux, reste encore quelque chose de difficile, voire de tabou. Karine Lambert nous propose ici une histoire touchante, écrite avec beaucoup de sensibilité, d’amour pour les autres, et offre une belle alternative aux maisons de retraite, où l’on est souvent confiné en vieillissant.
Le livre nous réserve de belles surprises, des moments de révolte et de bonne humeur car, ici, la joie l’emporte sur la tristesse et le renoncement, et l espoir d’un monde autre (et pas d’un autre monde) nous fait refermer avec regret ce roman, bien loin des égoïsmes du quotidien.
La danse proposée par l’auteure n’est pas une valse lente et pesante, bien au contraire, elle a le rythme et la couleur d’une dans orientale, pleine de vie et d’amour, alors laissez-vous entraîner et étourdir auprès de Marguerite et Marcel.
franck boussard
Karine Lambert, Eh bien dansons maintenant !, JC Lattès, 2016, 281 p. — 17,00 €.