Justinien l’empereur d’Orient
Notre vision occidentalisée de l’histoire nous conduit, encore aujourd’hui, à ne pas prendre en compte la persistance non seulement de l’Empire romain en Orient (après la chute de son « jumeau » de Rome) mais aussi de l’idée même d’empire qui connut à Byzance une formidable survie. La biographie de Justinien, écrite par Pierre Maraval, nous apporte de nombreux éclairages sur celui que l’auteur définit comme le « premier empereur byzantin ». Il en trace un portrait tout en nuances sans rien masquer des échecs et des manques d’un personnage, il faut bien le dire, déroutant à bien des égards.
Empereur romain, Justinien le fut par son œuvre architecturale pour faire de Constantinople l’égale de la Rome d’autrefois. Bien sûr, les titres romains survécurent : son épouse Théodora, « son plus proche collaborateur », « son soutien et son conseiller » portait le titre d’Augusta. Des Anciens, l’empereur reprit l’œuvre législative et administrative pour contrôler et unir ses territoires. Enfin, il prit les armes pour se coiffer des lauriers de la gloire et conquérir de vastes territoires dans la partie occidentale de la Méditerranée. Le soutien des grands généraux (Bélisaire au premier rang) s’avérait aussi important que celui des préfets et des évêques.
L’une des grandes questions de son temps restait en effet celle de la religion chrétienne que l’empereur devait défendre. Mais laquelle ? Celle d’une Eglise encore définie comme catholique qui devait lutter contre les hérésies (la question monophysite est bien mise en lumière et en perspective) et les restes de paganisme encore présents dans les campagnes de l’empire. Justinien consacra une grande part de son règne à la problématique religieuse qui finit par devenir « sa préoccupation première, sinon exclusive » après la mort de Théodora.
En fin de compte, on fait face à un règne chaotique et à un homme complexe mais les deux nous permettent de saisir la difficulté des époques de transition.
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frederic le moal
Pierre Maraval, Justinien. Le rêve d’un empire chrétien universel, Tallandier, février 2016, 427 p. — 22,90 €.