Georges Minois, La guerre de Cent Ans

Cette guerre a-t-elle eu lieu ?

C’est par cette ques­tion pure­ment for­melle que Georges Minois débute l’avant-propos qui ouvre sur un ouvrage, ô com­bien !, éru­dit consa­cré à cette période ainsi dénom­mée. Si l’on est à peu près sûr qu’elle s’est ter­mi­née en 1453, la date de début est beau­coup plus floue. Elle n’a, c’est cer­tain, pas com­mencé en 1353, une année sans grand évé­ne­ment notable. Ce n’est qu’au début de XVIe siècle que la notion de guerre sécu­laire voit le jour. Mais il faut attendre 1823, dans un manuel d’histoire de C. Des­mi­chels, pour que le terme soit uti­lisé. Depuis, il a fait for­tune, repris à giorno.
Georges Minois, dans une pre­mière par­tie, cerne les causes de ce conflit, les rai­sons qui ont amené deux régimes féo­daux à enga­ger une telle suite de com­bats, avec un même objec­tif, un même but. Il dresse un état très détaillé et exhaus­tif des royaumes de France et d’Angleterre dans les décen­nies avant 1337. Il com­pare les deux pays, leur situa­tion poli­tique, sociale, éco­no­mique et rap­pelle ce qu’était le régime féo­dal, seul régime, pra­ti­que­ment, en vigueur à l’époque. Il évoque alors les épi­sodes les plus impor­tants. Les plus connus sont, bien sûr, abor­dés. On retrouve les grands évé­ne­ments et les grands per­son­nages qui ont construit l’épopée.

Comment étu­dier la guerre de Cent Ans sans par­ler des dif­fé­rents rois qui se sont suc­cé­dés des deux côtés de la Manche, de Ber­trand Du Gues­clin, de Jeanne d’Arc, d’Edouard III, du Prince Noir, des batailles de Crécy, Azin­court, Cas­tillon… ? Il replace cha­cun dans leur contexte, les débar­rasse des sco­ries légen­daires qui ont pu leur être atta­chées au fil des siècles, de l’enjolivement que des his­to­riens ont pu appor­ter pour don­ner plus de cachet à leurs récits. Il reprend de façon chro­no­lo­gique les dif­fé­rents épi­sodes de ce conflit, les diverses for­tunes des bel­li­gé­rants, les trêves, les trai­tés…
Puis il s’attache à défi­nir les muta­tions fon­da­men­tales que cette suc­ces­sion de conflits a pu ame­ner et qui ont ouvert sur le mode de socié­tés, de civi­li­sa­tion même qui per­dure aujourd’hui. Il montre com­ment cette guerre, qui dura en fait 116 ans, a fait émer­ger la notion de nation, com­ment elle influença la vie poli­tique, l’économie, les struc­tures sociales et mili­taires, fai­sant muter des ins­ti­tu­tions immo­biles depuis des siècles. La culture comme la reli­gion furent aussi lar­ge­ment impac­tées, fai­sant, par exemple, évo­luer une large part du conti­nent de la Chré­tienté vers l’Europe des nations.

Avec un avant-propos au ton aussi peu aca­dé­mique, on peut espé­rer une pré­sen­ta­tion qui ne le sera pas, une rela­tion des évé­ne­ments éclai­rés par un regard bien dif­fé­rent. Et on n’est pas déçu ! Georges Minois excelle à repla­cer les faits dans leur contexte, à les lier de façon peu conven­tion­nelle, ouvrant ainsi, des idées nova­trices, sans doute plus proches de la réa­lité et sur­tout plus adap­tées à la com­pré­hen­sion des consé­quences que ces conflits ont géné­rées.
Une lec­ture par­ti­cu­liè­re­ment enri­chis­sante, un livre qui se lit comme un polar, l’auteur sachant mettre en valeur la ten­sion des évé­ne­ments dans leur suc­ces­sion et leurs consé­quences pour les populations.

serge per­raud

Georges Minois, La guerre de Cent Ans, Per­rin, coll. “Tem­pus”, mars 2016, 830 p. – 12,50 €.

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