Arnaldur Indridason, Opération Napoléon

Quand les inco­hé­rences de l’Histoire

Arnal­dur Indri­da­son a délaissé Erlen­dur Sveins­son, son com­mis­saire favori, pour une intrigue qui prend ses racines dans les der­nières semaines de la seconde Guerre mon­diale. Les évé­ne­ments se pré­ci­pitent alors et les idées les plus éton­nantes fleu­rissent chez des per­son­nages authen­tiques de pre­mier plan. S’appuyant sur des points pré­cis de l’histoire de cette période, sur des hypo­thèses émises, l’auteur construit une intrigue aux res­sorts bien inter­ro­ga­tifs. L’écrivain conçoit alors une course pour­suite entre une jeune héroïne, loin de ces modèles du XIXe siècle plus sujettes à entra­ver le par­cours du héros qu’à l’aider. C’est une jeune femme moderne qui pos­sède les res­sorts pour s’adapter aux cir­cons­tances et rebon­dir. Elle est aidée, tou­te­fois, dans sa quête pour échap­per à ses pour­sui­vants et retrou­ver son frère, par un amou­reux transi qui lui offre spon­ta­né­ment, et de manière oppor­tune, une assis­tance mal­gré les périls qui ne manquent pas.

En pleine tem­pête de neige, un avion s’écrase sur le Vat­na­jö­kull, le gla­cier islan­dais, en 1945. Un homme, une vali­sette menot­tée au poi­gnet, tente de rejoindre une zone habi­tée, lais­sant le reste des sur­vi­vants dans l’épave. Deux frères, logeant dans les parages, entendent pas­ser l’avion en per­di­tion. Ils signalent l’accident et guident une expé­di­tion amé­ri­caine mon­tée de toute urgence. Mais la neige a tout recou­vert et les moyens de l’époque ne per­mettent pas une loca­li­sa­tion. Seule une roue est retrou­vée, confir­mant la natio­na­lité de l’appareil. L’affaire en reste là. Cepen­dant, les Ser­vices Secrets demeurent en éveil et sur­veillent le gla­cier. Une seconde expé­di­tion échoue en 1967.
C’est en 1999, avec le début du réchauf­fe­ment et des moyens satel­lites per­for­mants, que l’épave est loca­li­sée. Vytau­tas Carr, direc­teur d’une agence de ren­sei­gne­ments dépen­dant du minis­tère de la Défense, dépêche immé­dia­te­ment, et dans le plus grand secret, un bataillon des forces spé­ciales sous les ordres de Ratoff. Ce der­nier est le type d’intervenant bru­tal que les agences uti­lisent pour des mis­sions non offi­cielles qui peuvent faire l’objet de démen­tis.
Kris­tin est une jeune avo­cate employée au minis­tère des Affaires étran­gères à Reyk­ja­vik. Elle est en butte aux menaces d’un indus­triel qui accuse le minis­tère de lui avoir fait perdre de l’argent dans une affaire com­mer­ciale avec la Rus­sie. Elias, son jeune frère, est sur le gla­cier, pour un exer­cice de sau­ve­tage orga­nisé par la struc­ture dont il fait par­tie. Pour essayer une nou­velle moto­neige, il s’écarte du par­cours avec un cama­rade et tombe sur les com­man­dos qui dégagent l’épave. Il télé­phone à sa sœur. Elle ne com­prend pas tout tant la trans­mis­sion est mau­vaise. Ratoff, repère les intrus, les fait cap­tu­rer. Sur son por­table il trouve l’appel d’Elias et dépêche deux de ses agents qui ont pris pos­ses­sion de l’ambassade à Reyk­ja­vik avec ordre de faire dis­pa­raître tous les témoins gênants. Pour­quoi cet avion obsède-t-il à ce point les Amé­ri­cains ? Que recèle cette épave qui néces­site un tel secret ?

Indri­da­son expli­cite le fonc­tion­ne­ment des Ser­vices secrets, les moyens dont ils peuvent dis­po­ser et leurs façons de trom­per ceux qui ont, en prin­cipe, la charge de cana­li­ser leurs mis­sions. Cepen­dant, avec Opé­ra­tion Napo­léon, Arnal­dur ne se livre pas à une com­mu­ni­ca­tion dithy­ram­bique sur son pays tant les des­crip­tions cli­ma­tiques engagent peu à faire de cette région, aux pay­sages pour­tant sublimes, un pro­chain lieu de des­ti­na­tion tou­ris­tique.
Une petite remarque anec­do­tique : alors que dans le récit, il n’est ques­tion que du nez et de la tête de l’avion, l’illustration de cou­ver­ture montre une superbe queue d’appareil…
À par­tir d’une opé­ra­tion mili­taire mys­té­rieuse, avec une héroïne atta­chée à tout faire pour retrou­ver son frère, des hommes déter­mi­nés pour qui seul compte le résul­tat, Arnal­dur Indra­di­son signe un superbe thril­ler sur fond d’espionnage.

serge per­raud

Arnal­dur Indri­da­son, Opé­ra­tion Napo­léon, (Napó­leonssk­jö­lin), tra­duit de l’anglais par David Fau­quem­berg, Édi­tions Métai­lié, coll. “Noir”, octobre 2015, 352 p. – 20,00 €.

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