Patrice Ordas & Nathalie Berr, Les Naufragés du Métropolitain — t.1 : “Les Rats de Saint-Éloi”

Un pre­mier volet attractif

Parce que le cour­sier est en retard, c’est la maman de Louise, employée chez un joaillier de la place Ven­dôme, qui livre l’épingle de chi­gnon de la duchesse au Bazar de la Cha­rité. Mais le bâti­ment s’embrase et cent quarante-neuf per­sonnes péris­sent dans l’incendie. M. Mor­chard, res­pon­sable de l’atelier, et veuf, prend en charge la petite Louise âgée de huit ans. Dix ans plus tard, en jan­vier 1910, la jeune fille tra­vaille dans l’atelier de son père adop­tif. Elle excuse l’attitude de Valen­tin, un apprenti un peu fan­tai­siste que Mor­chard a embau­ché par ami­tié pour son frère avec qui il a servi en Afrique du Nord.
Il pleut très fort et, pour ren­trer chez elle à Mon­treuil dans la mai­son héri­tée de sa mère, Louise n’est pas équi­pée. Son père lui donne un ticket de métro de pre­mière classe. Dans la rame, ses vête­ments simples inter­pellent le contrô­leur qui l’accuse d’avoir volé le ticket. Elle est défen­due par un homme en frac qui se pré­sente comme une per­son­na­lité bien qu’il soit pia­niste au Mou­lin Rouge.
Valen­tin retrouve son frère qui tra­vaille comme gra­veur à la Mon­naie de Paris. Rému­sat, dit Le Fen­nec, un apache, qui connait bien le gra­veur pour avoir été sous ses ordres à l’armée, les rejoint. Son dis­cours sur sa liberté séduit Valen­tin qui suit le voyou en sor­tant. Celui-ci, pour ne pas mouiller ses chaus­sures, arrête un auto­mo­bi­liste en le mena­çant d’un cou­teau et invite Valen­tin à mon­ter. Il lui donne l’arme pour tenir en res­pect le bour­geois. Un coup de frein brusque, donné volon­tai­re­ment, égorge l’homme. Valen­tin, à son corps défen­dant, est devenu un chou­ri­neur.
Louise se trouve entraî­née, sur le pas du pia­niste, jusqu’au Mou­lin Rouge…

Patrice Ordas, qui place son récit dans Paris en jan­vier 1910, conjugue la catas­tro­phique crue qui a envahi la Capi­tale avec un casse bru­tal, l’ambiance de la ville, les “exploits” d’apaches et la pros­ti­tu­tion. Il construit une intrigue autour de la joaille­rie, avec toutes les convoi­tises que celle-ci peut sus­ci­ter. C’est un sec­teur que le scé­na­riste connaît bien ayant, pen­dant vingt-cinq ans, assuré la direc­tion de l’école de joaille­rie de Paris. Pour faire vivre son récit, il conçoit une gale­rie de per­son­nages dont beau­coup sont liés par des rela­tions nouées dans l’armée quand la France étouf­fait les révoltes de ses colo­nies.
Ordasl arti­cule son his­toire autour de deux jeunes héros qui vont se trou­ver empor­tés dans des milieux bien dif­fé­rents de ceux qu’ils ont l’habitude de fré­quen­ter et que le scé­na­riste va s’attacher à faire décou­vrir. C’est ainsi qu’il les pro­jette dans deux facettes du monde de la nuit, celle des voyous et leurs minables com­bines, celle du spec­tacle avec la décou­verte des cou­lisses du Mou­lin Rouge, ce fameux caba­ret qui conti­nue de faire les « beaux jours » des noc­tam­bules.
Natha­lie Berr assure un des­sin soi­gné, élé­gant, d’une grande finesse. Elle pro­pose des por­traits très expres­sifs, une mise en images, tant pour les inter­ve­nants que pour les décors et acces­soires, d’une grande beauté. La qua­lité du des­sin est ren­for­cée par la mise en cou­leurs signée de Sébas­tien Bouet qui res­ti­tue à mer­veille l’ambiance de l’histoire.

Ce pre­mier volet du dip­tyque, très attrac­tif, laisse augu­rer d’une suite prometteuse.

serge per­raud

Patrice Ordas (scé­na­rio), Natha­lie Berr (des­sins), Sébas­tien Bouet (cou­leurs), Les Nau­fra­gés du Métro­po­li­tain, t.1 : “Les Rats de saint-Éloi”, Bam­boo, coll. “Grand Angle”, mai 2015, 48 p. – 13,90 €.

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