Une jeune fille dans un monde post-apocalyptique
Avec Koridwen, Yves Grevet dépeint l’existence, à la première personne et au jour le jour, d’une jeune héroïne dans un monde retourné à la barbarie. Mais retourné est-il le mot juste ? L’humanité a-t-elle un jour renoncé à la barbarie ? Se coulant dans le cahier des charges, élaboré en commun par quatre romanciers, de cet univers post-apocalyptique U4, l’écrivain anime, comme il le souhaitait, une jeune fille aux racines bretonnes.
Il la choisit issue d’un milieu rural, avec des savoir-faire pratiques, attachée à ses racines terriennes, aux coutumes et dotée d’un solide bon sens. Koridwen bénéfice d’atouts. Elle apprend, par une lettre de sa grand-mère, que faisant partie d’une lignée de sorcières, elle a accès à des pouvoirs séculaires et dispose d’un coffre de guérisseuse. Élevée au XXIe siècle par des parents épris de rationnel, elle doute des affirmations de son aïeule. Mais dans le contexte présent, elle a fort envie d’y croire. C’est tellement réconfortant.
Koridwen vit dans une ferme d’un hameau breton. Bien que ses parents, et toute la population des alentours, soient décédés tout récemment, elle continue de s’occuper des bêtes. Cependant, elle connaît des moments terribles et prend souvent, en main, une fiole de poison pour en finir. C’est en pensant à la vieille Bergamote, une vache sur le point de vêler, qu’elle arrête son geste. Deux garçons, en quête de pillage, la menacent. Elle s’en débarrasse avec la fourche avec laquelle elle travaillait. Dès lors, elle redoute une vengeance. Sa meilleure amie, contactée, reste chez elle où elle entourée par son frère et les copains de celui-ci. Elle pense alors à Max, son cousin. S’il est handicapé mental léger, son gabarit est intimidant. Avant de mourir, sa mère lui a indiqué où elle trouverait une lettre de sa grand-mère. Celle-ci lui explique ses racines, qu’elle fait partie d’une lignée de sorcières, évoque des événements terribles et un long voyage. Elle a reçoit alors un message de Khronos, le Maître de Warriors of Times, un jeu en ligne où elle excellait. Celui-ci réclame l’aide d’Experts pour inverser la catastrophe et donne rendez-vous le 24 décembre à minuit sous la plus vieille horloge de Paris. Elle décide de le rejoindre. avec Max, et s’embarque sur le tracteur de la ferme, seul véhicule possible. Elle sait que le périple jusqu’à la capitale sera dangereux. Mais, elle ignore à quel point…
Yves Grevet imagine ce que pourrait être une société où tout ce qui concourait à un confort matériel disparaît, tout ce qui structurait plus ou moins bien, de façon plus ou moins juste, une vie communautaire, s’est éteint. La loi du plus fort, qui s’applique constamment avec des moyens feutrés, avec une “légalité” adaptée à ceux qui font les lois, revient au niveau primaire. C’est la constitution de bandes qui écument ce qui reste, qui se battent pour les dernières ressources. À travers cette histoire, l’auteur explore nombre de thématiques autour de l’apprentissage. Il confronte, par exemple, son héroïne à un univers auquel elle n’était pas du tout préparée, à des croyances, à la force brutale et à l’inconnu…
Yves Grevet signe un roman captivant, empruntant aux situations existantes dans nombre de pays, à l’intrigue puissante, avec une héroïne particulièrement attachante dans un monde qui ne l’est pas.
serge perraud
Yves Grevet, U4 – Koridwen, Syros-Nathan, août 2015, 400 p. – 16, 90 €.