Stefan Wul, l’auteur du roman éponyme qui sert de base au présent scénario, imagine, dès 1957, une intrigue basée sur la raréfaction de la matière organique absolument indispensable à la vie. Il conçoit cette pénurie avec des données scientifiques d’une grande pertinence, conjuguant ce sujet avec une invasion de créatures qui menacent les humains, multipliant ainsi les dangers pour l’humanité.
L’esprit de la collection dans laquelle a paru ce roman, à l’époque, permettait une intrigue dense, ramassée, privilégiant l’action pour l’action. Le profil des personnages était peu complexe, avec des sujets peu approfondis. Alors que la quasi-totalité de ses romans se démarquaient de cette ligne directrice, Stefan Wul avait sacrifié à cette tendance pour La Peur géante. Denis Lapière, dans ce tome, retrouve cet esprit et étire quelque peu l’intrigue en mettant en avant des actions détaillées, utilisant plusieurs planches. Mais il les met en scène avec un savoir-faire certain.
Le bouleversement a commencé quand l’eau n’a gelé qu’à des températures très basses. Puis d’étranges créatures marines sont apparues juste avant le cataclysme. La Terre est inondée mais l’accès à l’eau est difficile. Les créatures que les humains ont baptisées Torpèdes, infestent toutes les côtes pour en interdire l’accès. L’armée lutte contre elles avec Bruno Daix en première ligne. Celui-ci est à Paris, à la tête d’un escadron qui les affronte régulièrement. Il réussit à en capturer afin de les étudier et trouver le moyen de combattre plus efficacement. Kou-Sien Tchei, spécialiste de l’étude du langage, rejoint la base où sont retenues les Torpèdes capturées pour comprendre leur façon de communiquer. Le Haut-commandement pense avoir localisé le cœur du territoire torpède et a fait mettre au point un bathyscaphe de combat très spécial. C’est Pol, l’ami de Bruno qui pilotera le prototype. Kou-Sien recherche la nature des signaux émis par les créatures alors qu’un nouveau danger menace ce qui reste de l’humanité : l’eau ne s’évapore plus !
Ce scénario est superbement mis en images par un Mathieu Reynès inspiré qui réalise des planches d’une grande beauté et d’un dynamisme certain dans la retranscription des scènes d’action. Avec des lignes épurées, une variation des cadrages, il donne une réelle vision de l’histoire, réussissant de belles vues maritimes, de Paris inondé…. La colorisation tient une place importante car c’est par elle que passe la mise en volume, le relief. Elle a nécessité ici l’intervention de trois personnes à savoir : Aintzane landa, Pedro J. Colombo et Stéphane Richard pour une collaboration réussie.
Ce second album, même s’il temporise sur la progression de l’intrigue, se lit avec beaucoup de plaisir tant les pages sont joliment organisées. Le dernier tome de la trilogie devrait emmener vers une chute que Stefan Wul savait rendre spectaculaire.
serge perraud
Denis Lapière (scénario), Mathieu Reynès (dessin), Aintzane landa, Pedro J. Colombo, Stéphane Richard (couleur), La Peur géante, t. 2 : “L’ennemi des profondeurs”, coll. “Les univers de Stefan Wul”, Ankama, avril 2015, 56 p. – 13,90 €.