Les Éditions Ombres noires (Groupe Flammarion), comme le suggère fortement leur raison sociale, sont spécialisées dans la publication de romans noirs. Ils privilégient également des textes courts, entre nouvelles et novellas, enrichis par une interview de l’auteur, par une belle présentation à la couverture attrayante, à rabats. Leur catalogue compte ainsi quelques “pointures” du genre, comme Anne Perry, Marin Ledun ou John Connoly.
P.Z. Evans, un agent américain, un ancien des Forces Spéciales et Alejo Diaz, un homologue local, sont à Hermosillo, la capitale du Sonora, un Etat du Mexique. Ils sont là pour éviter un attentat contre un bus de tourisme. Pour marquer la date anniversaire du discours du Président mexicain annonçant la guerre contre les cartels, Alonzo María Carillo, le chef présumé d’une de ces organisations criminelles, veut en faire brûler un avec tous ses passagers. Une fuite, comme toujours au Mexique selon Diaz, a informé le parrain. Celui-ci reste chez lui, entouré d’un sérieux dispositif de sécurité. Mais le délai d’exécution est court car la date est proche.
À Washington, Peter Bullings, le commanditaire de la mission rencontre Harris. Celui-ci évoque, à mots couverts, des doutes quant à l’appartenance de Carillo à un cartel. Cependant, il donne le feu vert au duo qui cherche, dans toutes les informations recueillies depuis plusieurs mois, un point faible où frapper. Ils repèrent que ce mafieux est un collectionneur compulsif de livres, d’éditions rares. On doit lui livrer un nouvel exemplaire rarissime, un Dickens dédicacé par l’auteur. Mais, comment monter une opération en si peu de temps ? De plus, Carillo est-il la bonne cible ? N’est-il pas simplement un homme d’affaires efficace et non le chef impitoyable d’un gang ?
Le texte court présente l’avantage certain d’une intrigue ramassée, dense, compacte car l’auteur n’a pas d’espace pour des digressions, des intrigues secondaires qui, cependant, peuvent être palpitantes. Jeffery Deaver, par ailleurs auteur de plus de trente romans, aime instiller le suspense sans effets brutaux. Il est connu pour une série où il met en scène Lincoln Rhyme, un inspecteur de police devenu tétraplégique, accompagné par Amalia Sachs. Le Livre de Poche propose quelques-uns de ses meilleurs titres
Il prend pour décor un Mexique de fiction nourri, toutefois,de la réalité tant pour l’ambiance que pour les faits. Il instille un suspense en jouant sur le vrai et le faux, sur des apparences que contredisent des faits, des suppositions qui semblent démenties par des attitudes. Il privilégie ainsi le doute, les situations ambiguës, plutôt que les scènes barbares et les meurtres sanglants. Il met en scène des jeux d’énigme avec des personnages aux profils atypiques, éloignés des schémas caricaturaux que l’on trouve souvent.
Il introduit une dose d’humour en associant deux enquêteurs dissemblables permettant des situations faussées. Mais, si le Mexique est très présent, presque un personnage à part entière, ce sont les livres, les auteurs qui occupent ici une place importante. Le romancier cite des ouvrages rarissimes, décrit une bibliothèque à faire rêver, riche de vingt-deux mille volumes tous exceptionnels. Il fait aussi un peu d’autopromotion quand le collectionneur dit : “…les auteurs de romans policiers ou de romans populaires maîtrisent souvent mieux leur art que les auteurs soi-disant littéraires. Les lecteurs le savent : ils préfèrent de bonnes histoires à des artifices prétentieux.“
Et avec Châtié par le feu Jeffery Deaver nous offre en effet une très bonne histoire !
serge perraud
Jeffery Deaver, Châtié par le feu (An Acceptable Sacrifice) traduit de l’anglais (États-Unis) par Perrine Chambon, Ombres Noires, juin 2015, 128 p. – 6,00 €.