La finance internationale, ses arcanes, ses combinaisons et ses prédateurs rapaces, est un des terrains favoris de Stephen Desberg en tant que scénariste. Dans ce domaine, il a déjà développé des intrigues passionnantes avec IR$ et IR$ All Watcher. Il revient, ici, avec un héros qui mène une lutte, à la façon d’un Robin des bois, contre les trafiquants et financiers liés à la drogue et à tout ce qui en découle en matière de crimes, en privilégiant une action débridée.
Jean Ravelle agit parce qu’il n’a pas une confiance aveugle en la justice, qu’il pense que tout n’est pas toujours fait pour que le crime soit puni dans notre joli monde. Il traque alors les malfaiteurs qui bénéficient d’une impunité, paient pour leur monstruosité. Pour mener sa quête, répondre aux prières de quelques centaines d’enfants morts, il faut qu’il se libère de sa famille par alliance, une famille richissime dont le seul but est celui de s’enrichir encore. Elle qui ne comprendrait pas qu’il dépense son argent pour une cause humanitaire, la seule que ces gens-là tolèrent étant celle qui rapporte de l’argent !
L’action débute au Brésil et donne un autre aspect de ce pays, loin de celui présentés par les médias sportifs ou par des économistes liés au système financier (et on y revient !), qui voient un Eldorado pour toutes leurs combines frauduleuses. Un couple progresse avec précaution dans les ruelles d’une favela de Rio de Janeiro jusqu’à une placette qui domine la ville. Ils écoutent Monteiro, un gros homme, pérorer en montrant le territoire où il règne sur le trafic de la drogue. Son discours convainc son interlocuteur de traiter avec lui. Dans le couple, la femme retient l’homme lui disant qu’il ne peut rien faire maintenant. De nuit, une silhouette sombre aborde le yacht de Monteiro, tue ses gardes du corps, l’enlève en hélicoptère. Pendant le vol, la silhouette se présente comme Jean Ravelle, celui qui entend les prières des enfants morts. Il l’accuse d’être directement responsable de la mort de quarante-huit gosses par overdose et dix-sept abattus comme dealer ou rabatteur. Puis il l’abandonne aux mains de familles en deuil par sa faute. Ravelle sort un carnet de sa combinaison et soustrait 63 de 389.
Jean Ravelle est un homme riche et… en colère contre tous ceux qui sont responsables de la mort d’enfants. Il met sa fortune au service de sa justice avec l’aide d’une équipe de financiers et de juristes de haut-vol. Mais, pour mener à bien sa mission, il doit échapper à la famille chinoise de sa délicieuse épouse et donc…
Miguel Lalor, qui signe aussi Miguel, a suivi une école des beaux-arts portugaise, travaillé comme designer pour un éditeur de son pays avant de venir s’installer à Paris. Il a réalisé la série Myrkos (Dargaud) et la première saison du Dernier Templier (Dargaud). Il propose, ici, un dessin très réaliste, fourmillant de détails, dopé à l’EPO pour les nombreuses scènes d’action qui ponctuent l’album. Ses personnages, aux attitudes dynamiques, expriment parfaitement, tant par gestes que par mimiques, leurs sentiments, leurs émotions. Il mène un travail fouillé sur des perspectives, sur des champs et contre-champs peu courants.
Un premier album tonique, dynamique, au scénario attractif qui fait souhaiter une suite du même acabit dans un délai raisonnable.
serge perraud
Stephen Desberg (scénario), Miguel Lalor (dessin), Thorn (couleur), Le Rédempteur, tome 1 : “L’Homme qui entendait les prières des enfants morts”, Dargaud, mai 2015, 48 p. – 13,99 €.