L’action se situe trente ans après la mort du Christ. Julius Publius Vindex, général ambitieux déchu, a été condamné à l’esclavage dans les mines de soufre. Là, il fait la connaissance d’un compagnon de souffrance juif considéré comme le Messie. Libéré par les rebelles zélotes, ce dernier est persuadé par un Sage qu’il est le frère du Christ et qu’il doit révéler au monde le Troisième Testament qui ouvrira les portes du Royaume des Cieux. Julius, six autres élus et celui qu’on appelle maintenant Sar Ha Sarim, partent vers l’Orient pour trouver la nouvelle parole divine. La route est longue et difficile. Seuls Julius et le Sar arrivent près du terme. Tombé dans une crevasse, Julius est sauvé par son compagnon qui abandonne alors la quête de ce fameux testament et retourne en Judée pour fédérer les rebelles et libérer son peuple.
Julius, ayant retrouvé des forces, est retourné dans la montagne avec un rouleau vierge et de l’encre. Après avoir franchi un col, épuisé, il s’effondre. Quand il reprend ses esprits, près de lui, le rouleau n’est plus vierge, couvert d’une écriture qu’il ne sait pas lire. Il le ferme de sept sceaux, réservant la découverte du contenu à Sar Ha Sarim. Celui-ci mène la guerre contre l’occupant romain. Il doit faire face à un redoutable adversaire en la personne du légat Cestius. Mais ce sauveur tant attendu obéit-il aux ordres de Dieu ou est-il poussé par des passions plus humaines ? Que contient ce rouleau que Julius rapporte et dont il veut réserver la primeur au frère du Christ ?
Pourquoi ne pas imaginer un Troisième Testament car la parole de Dieu est si multiple ? L’Église catholique, par exemple, a fait le choix de ne conserver que quatre Évangiles. Les textes écartés sont-ils, pour autant, d’une inspiration moins divine ? Avec cette série, Alex Alice signe un récit épique mettant en scène tous les ingrédients d’une véritable épopée ou se mêlent la foi, la folie, la guerre, le doute, le besoin en croyances et, paradoxalement, le besoin de vivre libre. Il pose des interrogations sur l’authenticité des missions dont certains se croient investis. Les décisions prises par les hommes sont-elles dictées, les choix que chacun opère sont-ils le fruit de leur seule volonté ? Y-a-t-il une puissance qui assiste et qui guide des individus plus que d’autres, ou est-ce seulement le fruit de leurs passions, de leur ambition ? Se laissent-ils porter par des événements incontrôlables, incontrôlés, un destin qui se forge ? Sont-ils réellement les messagers d’une mission divine ou n’est-ce qu’une ambition démesurée habillée pour mieux emporter l’adhésion ?
Mais toutes ces questions métaphysiques soulevées n’excluent pas une intrigue ponctuée de nombreuses scènes d’actions au sein d’un récit en tension. Le scénariste pose aussi des questions relatives à la finalité des combats, de la guerre, au sang versé, aux rapports ambigus que peut entretenir un messie et ses apôtres, entre la foi qui les anime et les liens d’admiration et de dévotion.
Thimothée Montaigne exécute un dessin d’un réalisme saisissant, aux traits abrupts, aux noirs-obscurs forts dans une mise en scène superbe. Il multiple des scènes grandioses avec une perspective attractive et des foules de personnages. Son trait incisif campe des personnages bien trempés, fait ressentir le dynamisme des scènes de lutte et une dimension spirituelle forte dans les scènes d’échanges et de dialogues. Le Troisième Testament, et en particulier ce cycle autour de Julius de Samarie, un prophète oublié, est une totale réussite tant au point de vue scénaristique que graphique.
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serge perraud
Alex Alice (scénario, story-board, couverture), Xavier Dorison (concept original), Thimothée Montaigne (dessins), François Lapierre (couleurs), Le Troisième Testament, Julius livre IV, Glénat, coll. Grafica, avril 2015, 64 p. – 14,95 €.