Thierry Gloris & Sergio Bleda, NSA t.1 : “L Oracle”

Qui peut en vou­loir à un autiste ?

Thierry Glo­ris prend le pari de rete­nir comme per­son­nage prin­ci­pal un autiste pro­fond, choix assez raris­sime dans l’écriture de sce­na­rii. Si, pour ces per­sonnes, les liai­sons clas­siques avec autrui sont dif­fi­ciles, voire inexis­tantes, ces humains pos­sèdent géné­ra­le­ment des capa­ci­tés intel­lec­tuelles et une intel­li­gence supé­rieure au com­mun. Bien cana­li­sés dans un cadre social appro­prié et sécu­risé, où ils se sentent en confiance, pour­quoi ne réaliseraient-ils pas des per­for­mances remar­quables ? L’idée d’utiliser ces com­pé­tences ne pourrait-elle pas être mieux prise en compte par les pou­voirs publics qui, plu­tôt que les trai­ter en parias, cher­che­raient les moyens de les valo­ri­ser dans des domaines où ils feraient mer­veille ?
Un chauf­fard tue la mère d’Apollo John­son, sous les yeux du grand jeune homme. Celui-ci ne semble res­sen­tir aucune émo­tion, s’inquiétant seule­ment de banales ques­tions maté­rielles. Rose, Athéna, Scar­lett Nyx, dite Oz, est flic à Cree­per Creek dans le Dakota du Nord. Alors qu’elle fait régner l’ordre avec des argu­ments mus­clés, deux agents de la NSA viennent lui annon­cer la mort de sa belle-mère. Étant sa plus proche parente vivante, ils veulent qu’elle s’occupe d’Apollo qui a som­bré dans une pro­fonde dépres­sion. Ils la pressent d’accepter car son demi-frère est un maillon essen­tiel d’un pro­gramme d’analyse mis au point par la NSA. Apollo est atteint du syn­drome d’Asperger. S’il est sans sen­ti­ments, ses capa­ci­tés intel­lec­tuelles sont immenses et exploi­tées dans le cadre d’un dis­po­si­tif pri­mor­dial pour la défense natio­nale. Il faut donc le remettre en “état de marche”. Elle finit par accep­ter contre la pro­messe d’intégrer le corps pres­ti­gieux du FBI où elle a été reca­lée trois fois à cause de son fichu carac­tère. Grâce à Mul­der, son chien, Oz réus­sit à reprendre un contact fruc­tueux tel que celui qu’ils avaient lorsqu’ils étaient enfants. Un homme vient rendre compte au “Chi­ne­toque” de la réus­site de son action : « La vieille a cla­qué comme prévu… »

En pla­çant son intrigue aux USA, le scé­na­riste surfe sur le fait que les ins­tances diri­geantes de ce pays, et ces opé­ra­tions ont été dévoi­lées au grand jour, col­lectent un nombre ahu­ris­sant d’informations et de don­nées, élé­ments que son héros est capable d’analyser et de syn­thé­ti­ser. Il sug­gère éga­le­ment, dans son récit, que l’homme reste supé­rieur à la machine, pla­çant un autiste au-dessus des cal­cu­la­teurs les plus puis­sants. Il construit, autour des deux héros quelques intrigues secon­daires, des fla­sh­backs éclai­rant des situa­tions vécues, les liens actuels et leurs rai­sons. Le scé­na­rio fait la part belle à une intrigue pre­nant en compte le monde du ren­sei­gne­ment, ses dif­fé­rentes com­po­santes et les com­pé­ti­tions que celles-ci se livrent pour exis­ter.
Le des­sin de Ser­gio Bleda est à la fois syn­thé­tique et réa­liste, dans une mise en page clas­sique ser­vant cepen­dant bien le scé­na­rio. Il exé­cute des effets dyna­miques du plus bel effet, don­nant à ses per­son­nages une iden­ti­fi­ca­tion facile et suivie.

Ce pre­mier volet du dip­tyque se lit avec beau­coup de plai­sir pour son intrigue mus­clée et ses héros attachants.

serge per­raud

Thierry Glo­ris (scé­na­rio), Ser­gio Bleda (des­sin), Lorien (cou­leurs), NSA, tome 1 : “L’Oracle”, Cas­ter­man, février 2015, 48 p. – 13,50 €.

 

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