Qui peut en vouloir à un autiste ?
Thierry Gloris prend le pari de retenir comme personnage principal un autiste profond, choix assez rarissime dans l’écriture de scenarii. Si, pour ces personnes, les liaisons classiques avec autrui sont difficiles, voire inexistantes, ces humains possèdent généralement des capacités intellectuelles et une intelligence supérieure au commun. Bien canalisés dans un cadre social approprié et sécurisé, où ils se sentent en confiance, pourquoi ne réaliseraient-ils pas des performances remarquables ? L’idée d’utiliser ces compétences ne pourrait-elle pas être mieux prise en compte par les pouvoirs publics qui, plutôt que les traiter en parias, chercheraient les moyens de les valoriser dans des domaines où ils feraient merveille ?
Un chauffard tue la mère d’Apollo Johnson, sous les yeux du grand jeune homme. Celui-ci ne semble ressentir aucune émotion, s’inquiétant seulement de banales questions matérielles. Rose, Athéna, Scarlett Nyx, dite Oz, est flic à Creeper Creek dans le Dakota du Nord. Alors qu’elle fait régner l’ordre avec des arguments musclés, deux agents de la NSA viennent lui annoncer la mort de sa belle-mère. Étant sa plus proche parente vivante, ils veulent qu’elle s’occupe d’Apollo qui a sombré dans une profonde dépression. Ils la pressent d’accepter car son demi-frère est un maillon essentiel d’un programme d’analyse mis au point par la NSA. Apollo est atteint du syndrome d’Asperger. S’il est sans sentiments, ses capacités intellectuelles sont immenses et exploitées dans le cadre d’un dispositif primordial pour la défense nationale. Il faut donc le remettre en “état de marche”. Elle finit par accepter contre la promesse d’intégrer le corps prestigieux du FBI où elle a été recalée trois fois à cause de son fichu caractère. Grâce à Mulder, son chien, Oz réussit à reprendre un contact fructueux tel que celui qu’ils avaient lorsqu’ils étaient enfants. Un homme vient rendre compte au “Chinetoque” de la réussite de son action : « La vieille a claqué comme prévu… »
En plaçant son intrigue aux USA, le scénariste surfe sur le fait que les instances dirigeantes de ce pays, et ces opérations ont été dévoilées au grand jour, collectent un nombre ahurissant d’informations et de données, éléments que son héros est capable d’analyser et de synthétiser. Il suggère également, dans son récit, que l’homme reste supérieur à la machine, plaçant un autiste au-dessus des calculateurs les plus puissants. Il construit, autour des deux héros quelques intrigues secondaires, des flashbacks éclairant des situations vécues, les liens actuels et leurs raisons. Le scénario fait la part belle à une intrigue prenant en compte le monde du renseignement, ses différentes composantes et les compétitions que celles-ci se livrent pour exister.
Le dessin de Sergio Bleda est à la fois synthétique et réaliste, dans une mise en page classique servant cependant bien le scénario. Il exécute des effets dynamiques du plus bel effet, donnant à ses personnages une identification facile et suivie.
Ce premier volet du diptyque se lit avec beaucoup de plaisir pour son intrigue musclée et ses héros attachants.
serge perraud
Thierry Gloris (scénario), Sergio Bleda (dessin), Lorien (couleurs), NSA, tome 1 : “L’Oracle”, Casterman, février 2015, 48 p. – 13,50 €.