On connaît peu le maréchal Berthier, placé par l’histoire dans l’ombre des grands noms de l’épopée napoléonienne. La biographie que lui consacre Franck Favier permet de lever le voile sur cet homme dont la vie nous apprend beaucoup sur l’époque à laquelle il vécut. L’auteur insiste sur l’ascension sociale dont sa famille bénéficia à la fin de l’Ancien Régime (autre preuve de la souplesse de cette société… !), notamment son père ingénieur géographe qui gravite près de la famille royale. Le jeune Berthier s’oriente vers les armes et participe à la grande expérience de sa génération : la guerre d’Amérique. La Révolution aurait pu tout briser, et d’abord sa vie. Ses grandes qualités militaires contribuent à lui maintenir la tête sur le col.
Son destin bascule avec sa rencontre avec Bonaparte. Il ne le quittera plus jusqu’en 1814. On le trouve à ses côtés en Italie, en Egypte, en fait dans toutes les grandes batailles de l’épopée jusqu’à la campagne de Russie. Ministre de la Guerre, il joue le rôle de diplomate à plusieurs reprises. Mais il reste le major général indispensable à l’Empereur. C’est là le cœur des relations entre les deux hommes. Berthier apparaît bien comme la cheville ouvrière indispensable du mécanisme de commandement. Lui seul comprend les ordres de son maître, sait les transmettre et les faire appliquer. Un esprit logistique et mécanique remarquable.
Pourtant, Napoléon le couvre régulièrement d’injures, le méprise ouvertement, l’humilie en public sans jamais pouvoir s’en passer. Le meilleur des hommages qu’il lui rend se situe dans le regret de ne plus l’avoir à ses côtés à Waterloo… Berthier donne l’image du fidèle qui avale les couleuvres et qui œuvre pour un plus grand que lui, un homme sensible, transi d’amour pour la même femme toute sa vie, couvert d’honneurs et qui abandonne son maître en 1814.
Un homme ordinaire en somme ?
frederic le moal
Franck Favier, Berthier. L’ombre de Napoléon, Perrin, mai 2015, 334 p. - 22.90 €.