Il reste toujours à découvrir…
C’est étrange comme des régimes haïssables suscitent l’intérêt. Le nombre d’ouvrages consacrés au IIIe Reich, et à sa courte existence au regard de l’histoire de l’humanité, est phénoménal. Ce déferlement, cependant, laisse subsister nombre de points obscurs, des zones d’ombre. François Kersaudy apporte sa pierre à l’édifice en revisitant, avec brio, certains épisodes encore énigmatiques. En huit chapitres précis, l’auteur aborde des points obscurs, des aspects mystérieux plutôt que des secrets, sur Hitler, sur son ascension et sur quelques-uns des membres les plus en vue du régime.
Le premier récit porte sur cette volonté obstinée du Führer de ne rien révéler de ses origines, de sa filiation. Pourquoi cette obstination qui le pousse, pratiquement jusqu’à la fin, à faire traquer tous documents ayant traits à ses parents, à ses grands-parents, à faire tuer ceux qui pourraient apporter des informations à ce sujet ? Le deuxième chapitre s’ouvre sur une biographie succincte, mais édifiante, d’Adolf jusqu’à son arrivée au pouvoir. Puis l’auteur détaille sa capacité à discourir et à enflammer les foules. C’est un tribun né qui maîtrise à merveille l’art oratoire, qui se transfigure et entraîne l’adhésion. Certains témoins parlent même d’effet hypnotique ! Puis, François Kersaudy décrit les relations haineuses entre les membres les plus influents du nazisme, les luttes féroces auxquels ils se livrent. Celles-ci interpellent et font s’interroger sur le fait que, dans ces conditions, le régime ait pu durer aussi longtemps. L’auteur lève le voile sur la santé d’Hitler, sur les traitements et la quantité impressionnante de médicaments prescrits. Il était cardiaque et souffrait de la maladie de Parkinson.
Dans un domaine encore plus intime, l’historien aborde les rapports qu’Adolf a entretenus avec les femmes, des relations ambiguës, difficiles. Par contre, s’il ne manifestait pas une attirance pour la gente féminine, celle-ci était, paradoxalement, très attirée par l’homme. L’historien approche l’affaire Rudolf Hess qui a suscité tant de publications plus ou moins fantaisistes, ilconsacre un chapitre à l’amiral Canaris, qui fut une cheville du régime par sa position de chef du renseignement militaire. Il lui décernerait bien, même si cela n’a pas été fait, le titre de Juste parmi les Nations pour ses actions de sauvetage.
Polyglotte, François Kersaudy peut aborder de nombreuses sources d’informations, confronter des documents, des dépositions, des mémoires, des études d’historiens réputés pour leur sérieux et non inféodés à de quelconques théories du complot. Il apporte des précisions passionnantes sur les différents points, ouvrant des vérités nouvelles. Mais, au-delà de ces révélations, du véritable mystère, et du “grand secret”, reste cette interrogation : comment un homme décrit comme hésitant, voire insignifiant, a-t-il pu entraîner dans sa folie un peuple entier, une peuple de dizaines de millions de sujets ?
Avec ce livre, l’auteur apporte un nombre remarquable de précisions et donne à voir les situations, les faits, les événements sous un angle nouveau. Il signe une étude historique érudite, passionnante de bout en bout.
serge perraud
François Kersaudy, Les secrets du IIIe Reich, Perrin, coll. “Tempus”, avril 2015, 360 p. – 9,00 €.