John Verdon, Il faut tuer Peter Pan

Une vérité déli­cate et scabreuse

Dave Gur­ney, l’as du NYPD, a bien du mal à conci­lier son goût pour la réso­lu­tion d’énigmes avec une retraite dans une zone rurale. Il trouve plus moti­vant de tra­quer la vérité dans des affaires cri­mi­nelles que de construire un pou­lailler pour un coq et trois gal­li­na­cées. Face à un tel choix, Dave n’hésite guère tout en culpa­bi­li­sant vis-à-vis de Made­leine, son épouse, qui se réa­lise dans les tra­vaux ruraux.
Parce qu’il a aidé Dave dans l’affaire du Bon Ber­ger (Ne réveillez pas le diable qui dort – Gras­set 2013), Jack Hard­wick a dû démis­sion­ner de la police. Il tra­vaille main­te­nant en enquê­teur indé­pen­dant avec un avo­cat. Il cherche des élé­ments pour étayer un appel dans une affaire qui a défrayé la chro­nique. Kay Spal­ter a été condam­née pour une ten­ta­tive de meurtre sur Carl, son mari, pen­dant que ce der­nier enter­rait sa mère. La balle l’a para­lysé, le trans­for­mant en “légume”. Au début du pro­cès, il était là, pro­cla­ma­tion vivante du crime, mais il décède rapi­de­ment.
D’après Jack, cette femme est vic­time d’une machi­na­tion. Les preuves ont été fabri­quées par un flic pourri qui a agi par ven­geance per­son­nelle. Dave se laisse convaincre et, après étude du dos­sier, débute une série de contacts.
Plus il avance, plus il est effaré par ce qu’il découvre. Si Carl est l’arriviste for­cené prêt à toutes les com­pro­mis­sions, à toutes les vile­nies pour par­ve­nir à son but, sa fille Alyssa est une « petite pute démente qui s’adonne à la drogue.» et Kay, sa seconde épouse, est une femme sans cœur. Il visite les lieux du drame et découvre que, depuis l’appartement d’où Kay aurait tiré sur son époux, il est impos­sible de l’atteindre, même pour un tireur d’élite. Mais Dave et Jack vont aller de sur­prises en sur­prises avec l’arrivée dans l’affaire d’un homme dont l’allure d’enfant lui vaut le sur­nom de Peter Pan…

Pour ce qua­trième roman, John Ver­don pro­pose une intrigue tor­tueuse à sou­hait, riche en rebon­dis­se­ments, en retour­ne­ments de situa­tions. L’action est très pré­sente même si l’auteur pri­vi­lé­gie la déduc­tion, la recherche des failles dans les com­por­te­ments, dans les atti­tudes, dans les décla­ra­tions. Il montre la face noire des indi­vi­dus, celle qui pré­vaut com­mu­né­ment dans les moti­va­tions cachées. Une large part de l’intrigue s’appuie sur un fais­ceau de réfé­rences psy­cho­lo­giques et sur une connais­sance appro­fon­die de la nature humaine. Il excelle à mon­trer que l’Homme n’est pas une créa­ture ration­nelle comme celui-ci veut le faire croire, “que sa pré­ten­due logique n’est que la façade lumi­neuse de motifs plus troubles”.
Et John Ver­don sait les expri­mer et les mettre en scène avec brio. Mais il ne néglige pas les contin­gences phy­siques et phy­sio­lo­giques des humains. Il apporte à celles-ci la même atten­tion que pour le psy­chisme, allant, par exemple, jusqu’à uti­li­ser la dif­fé­rence des sons pro­duit par la mic­tion fémi­nine et mas­cu­line. Il prête ainsi à son héros une cer­taine hor­reur de la cam­pagne, le rend insen­sible aux fleurs et autres beau­tés de la vie rurale. Une part non négli­geable du récit porte sur les rela­tions du couple, sur les liens que l’ex-policier entre­tien avec un fils qu’il n’a pas vu grandir.

En ancien publi­ci­taire, formé aux mes­sages effi­caces, il pos­sède un sens aigu de l’image et excelle dans les por­traits per­cu­tants. Il éla­bore en ce sens une gale­rie de per­son­nages par­ti­cu­liè­re­ment noirs. Ne décri­vant pas une huma­nité sereine et lumi­neuse, il détaille le côté sor­dide des indi­vi­dus, les basses com­bines et les pen­sées viles qui animent la plu­part des per­sonnes.
Avec Il faut tuer Peter Pan, John Ver­don confirme, si besoin était, son art du récit, son goût pour les per­son­nages glauques, sa maes­tria à mener une intrigue astu­cieu­se­ment mon­tée jusqu’à une conclu­sion adroite.

serge per­raud

John Ver­don, Il faut tuer Peter Pan (Peter Pan must die), tra­duit de l’anglais (États-Unis) par Phi­lippe Bon­net, Sabine Bou­longne, Fran­çois Vidonne, Gras­set, coll “Thril­lers”, février 2015, 528 p. – 21,50 €.

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