Ah ! La recherche des trésors !
La chasse au trésor reste un incontournable sujet de récits d’aventures. C’est ce thème que retient Yoann pour une 54e aventure échevelée d’un couple de héros mythique.
La mort de l’ex-dictateur Aljâfa signe la fin de la guerre civile en Aswana. Cette nouvelle ravit Don Contralto dans la prison où il purge une peine de 634 ans suite à un regrettable malentendu. Il téléphone, bien que ce soit interdit, à son neveu qui déboule, avec des gardes du corps, dans la villa où Spirou et Fantasio commentent les nouvelles venues d’Aswana.
Il explique que son tonton a besoin de leur aide. Face à leur refus, Don Cortizone menace de s’en prendre à Seccotine. Les deux aventuriers s’inclinent. Le mafieux explique que son tonton s’adonne, dans sa cellule, à l’archéologie. Or il a retrouvé l’emplacement du légendaire trésor d’Alexandrie constitué par les bibliothécaires. C’est au beau milieu de l’Aswana que les savants de l’époque ont mis à l’abri leurs richesses. Aujourd’hui, la clé qui livre l’emplacement est devenue accessible. Elle se trouve sur une stèle au musée de la capitale…
Depuis 2009, avec Yoann au dessin, Fabien Vehlmann assure la continuité des aventures de Spirou et Fantasio, une série où il fait preuve d’un art certain pour dévoyer une réalité et l’intégrer dans sa fiction. Ainsi, la première planche du présent album fait référence à la misérable fin d’un dictateur s’étant laissé pousser la barbe et se cachant au fond d’un trou dans une ferme isolée. Vehlmann s’amuse, et nous amuse, à convertir des commentaires de journalistes en mal de qualificatifs à propos de la guerre civile de l’Aswana. Il leur donne une force à la fois comique et cynique, montrant jusqu’où le besoin de titres sensationnels peut entraîner des individus, à priori dotés d’une intelligence commune.
Il donne un ton jubilatoire à son scénario avec cette recherche d’un trésor, jouant sur le sens bien différent que peut recouvrer ce terme selon les personnes. Il montre aussi le décalage qu’il peut y avoir entre des scientifiques nourris de connaissances pointues et une réalité plus prosaïque. L’univers soldatesque est également passé à la moulinette d’un humour au vitriol, moquant à la fois les attitudes et les modes de raisonnement. Vehlmann trouve également une raison astucieuse pour amener Spirou à réendosser son costume de groom.
Yoann assure une mise en images dynamique avec un dessin tonique et une propension à magnifier les phases d’action. La série de vignettes où Spirou copie un soldat qui réalise une véritable danse pour éviter les balles des snippers est une réussite. Cet album célèbre la bande dessinée d’aventures. Sa lecture offre un délicieux moment de détente où l’on sourit beaucoup. Et à notre époque, où peu d’événements suscitent la gaité, n’est-ce pas déjà une réussite ?
serge perraud
Fabien Vehlmann (scénario), Yoann (dessin) Fred Blanchard (design) Laurence Croix (couleurs), Les Aventures de Spirou et Fantasio, tome 54 : “Le groom de Sniper Alley”, Dupuis, novembre 2014, 48 p. – 10,60 €.