Et si la conquête de l’espace avait un siècle d’avance ?
En 1868, Claire laisse son mari (et son fils Séraphin) pour s’élancer, à bord d’un ballon, dans le ciel et percer le secret de l’éther, une source inépuisable d’énergie. A treize mille mètres, son ballon explose. Seul son livre de bord revient sur Terre.
Un an plus tard un expéditeur, anonyme, a retrouvé le livre de bord et donne rendez-vous, au mari de Claire, à Fussen, en Bavière. Après bien des péripéties dont une tentative d’enlèvement, le père et le fils, qui s’est imposé dans le voyage, arrivent sur les lieux. Ils assistent à une peu concluante expérimentation de vol menée par Hans, un jeune garçon. Ils sont dans un des châteaux de Ludwig, roi de Bavière. C’est lui qui a retrouvé le livre de Claire. Il veut se lancer, lui aussi, dans la conquête des étoiles. Séraphin, ses deux nouveaux amis Hans et Sophie, son père participent activement au projet.
Des incidents interpellent le jeune garçon. Il est persuadé qu’un espion sévit au cœur du château. Bien qu’il soit perçu comme un affabulateur, il mettra tout en œuvre, avec ses amis, pour le démasquer. Les trois enfants se surnomment Les Chevaliers de l’éther. Ce qu’ils ignorent, c’est que Bismarck, le ministre du roi de Prusse, a eu vent du projet et qu’il veut exploiter l’éther à des fins militaires.
Le récit se situe dans la seconde moitié du XIXe siècle, une période où, dans la conquête de l’air, on tente les expérimentations les plus folles. La notion d’éther, proposée par des philosophes et scientifiques grecs au début de notre ère, a été longtemps considérée comme une réalité, même par des physiciens très sérieux comme Descartes, Newton, Maxwell… Il était perçu et étudié comme un élément favorisant la gravitation des planètes, servant de support à la lumière. Ce n’est qu’en 1905, avec la théorie de la relativité restreinte d’Albert Einstein, que la notion d’éther est abandonnée.
L’intrigue s’articule autour de cette conquête du ciel avec, pour les uns, l’attrait scientifique et l’amélioration des connaissances afin de favoriser le progrès et, pour les autres, comme une arme permettant d’assurer sa suprématie sur des peuples voisins. Elle intègre, parallèlement, une affaire d’espionnage avec toutes les péripéties qui peuvent se rattacher à ce type d’aventure et tous les dangers liés à la conquête de l’espace.
Pour faire vivre son récit, Alex Alice fait appel à un trio d’enfants délurés, dopés par les aventures qu’ils vivent et par les perspectives qui s’offrent à eux. Il les entoure d’adultes qui se partagent en trois groupes : les scientifiques, les méchants et les rêveurs. Au premier rang de ces derniers, il place Ludwig “…un roi à demi fou qui passait son temps à bâtir, je cite, des châteaux ridicules pour y jouer des opéras idiots.” De plus, celui-ci est féru de contes de fées. L’auteur met en images cette histoire avec un graphisme saisissant tant par l’éclat des couleurs que par le côté mystérieux qui se dégage des planches. En retenant l’aquarelle, A. Alice a su fondre les arrière-plans et susciter une atmosphère magique. Il crée des personnages d’une grande qualité, y mêlant, sans que cela surprenne, les canons du manga.
Combinant science-fiction, fantastique et merveilleux scientifique, avec une pointe de romantisme, l’auteur construit une histoire captivante, d’un grand intérêt tant scénaristique que graphique.
serge perraud
Alex Alice (scénario, dessin et couleurs), Le Château des étoiles, tome 1, Editions Rue de Sèvres, septembre 2014, 64 p. – 13,50 €.