Catherine Horel, L’amiral Horty. Régent de Hongrie

Le régent sans roi

Le des­tin de l’amiral Horty est hors du com­mun. Il est connu pour avoir été un ami­ral d’un pays sans accès à la mer, et régent d’un royaume sans sou­ve­rain. Mais au-delà de ces appa­rents para­doxes, sa bio­gra­phie a beau­coup à nous apprendre sur l’histoire de la Hon­grie et sur cet homme qui en pré­sida les des­ti­nées dans la période tra­gique des l’entre-deux guerres et de la Seconde Guerre mon­diale. Le livre, très bien docu­menté, de Cathe­rine Horel nous livre plu­sieurs clés de com­pré­hen­sion et offre au public la pre­mière bio­gra­phie en fran­çais de cet homme peu ou mal connu.
Il est vrai que rien ne le pré­des­ti­nait aux plus hautes res­pon­sa­bi­li­tés, si ce n’est une bel car­rière d’officier de marine, se frot­tant au monde poli­tique et diplo­ma­tique, et qui le condui­sit à ce qui aurait dû être le som­met de la car­rière : sa fonc­tion d’aide de camp du véné­rable empereur-roi Fran­çois Joseph. Comme beau­coup d’autres, c’est la Grande Guerre qui chan­gea le cours de sa vie, et sur­tout la défaite de 1918. La Hon­grie en sor­tit mise au ban, dépe­cée, réduite. C’est de cette crise, dont Cathe­rine Horel décrit très bien la pro­fon­deur et le trau­ma­tisme, que sur­git l’amiral Horty. En réta­blis­sant l’ordre dans un pays livré au bol­che­visme de Bela Kun et en entrant à Buda­pest sur son che­val blanc, il ins­taura la légende de l’homme pro­vi­den­tiel qui ne le quit­tera plus.

Ses manœuvres pour empê­cher la res­tau­ra­tion des Habs­bourg et le retour de Charles IV – qui appa­raît bien mal­adroit et faible dans le récit – lui per­mirent de gar­der le pou­voir. Dès lors, il se consa­cra à res­tau­rer les marges de manœuvre diplo­ma­tiques de la Hon­grie, sur la base d’une poli­tique révi­sion­niste qui le condui­sit à se rap­pro­cher de l’Allemagne et de l’Italie. Sur le plan inté­rieur, son gou­ver­ne­ment œuvra à une recons­truc­tion morale du pays sur des bases tra­di­tion­na­listes, ce qui en inva­lide la nature fas­ciste. Le com­bat contre les Croix-Fléchées le prouve.
Intègre droit, impré­gné de valeurs chré­tiennes – en un  mot un homme tel que les Habs­bourg les aimait ! – Horty ne mérite pas la légende noire que les com­mu­nistes lui infli­ge­ront par la suite. Il sut résis­ter aux pres­sions d’Hitler pour empê­cher la dépor­ta­tion des juifs de Hon­grie qui purent comp­ter sur le sou­tien du régent et de ses proches (mais aussi sur l’action très effi­cace du nonce apos­to­lique Rotta), et finira par être ren­versé et déporté en Allemagne.

Selon Cathe­rine Hurel, Horty n’est ni un héros, ni un roi, ni un saint. C’est vrai. Il appar­tient à cette caté­go­rie de chefs d’Etat tra­vaillant à la défense des inté­rêts de leur patrie, dans un contexte par­fois inex­tri­cable et face à des choix dif­fi­ciles. La pres­sion contra­dic­toire et conco­mi­tante du nazisme et du com­mu­nisme ne lais­sait guère de marges de manœuvre. Comme tant d’autres, Horty en sor­tit en lam­beaux et son pays avec lui.

fre­de­ric le moal

Cathe­rine Horel, L’amiral Horty. Régent de Hon­grie, Per­rin, sep­tembre 2014, 467 p. - 25,00 €

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