Dans les quartiers populaires des faubourgs de Paris, autour de 1900, la vie est très difficile pour les pauvres gens. Amélie Elie ne veut pas s’user au travail jusqu’à en mourir, comme le fit sa mère. Rencontré dans un bal, elle suit un garçon à Paris qui l’installe dans une vie banale de couple, situation qu’elle refuse.
Elle rencontre Belle-Hélène, qui la met dans son lit et l’initie à la prostitution. Elle tombe vite sous la coupe de Bouchon, un proxénète. Mais, elle est attirée par Manda, le chef de la bande d’Apaches connue sous les Orteaux. Il l’a également dans la peau. Emprisonné, Amélie fait tout pour le faire libérer. Alors qu’elle l’attend, à la sortie de la prison, il part avec une autre femme. Amélie est sans nouvelles de Manda depuis plusieurs jours, depuis sa libération. Dans la rue, pour échapper à Bouchon qui veut la reprendre, elle se réfugie dans un cabaret où Leca chante un texte de Bruant. Il remarque cette jolie femme et en tombe amoureux, sentiment partagé par Amélie. Commence alors une romance vite mise en péril par le retour de Manda. Les bandes s’affrontent. Leca est blessé de deux balles de révolver. Le commissaire Deslandes, qui le soupçonne de crimes récents sur des bourgeois, veut envoyer Manda en prison, mieux… au bagne. Il cherche à profiter de ces règlements de compte pour briser la loi du silence. Amélie en veut à Manda pour avoir voulu assassiner Leca…
Laurent Galandon adapte librement la vie de cette jeune femme plus connue sous le nom de Casque d’Or, dans le Paris des Apaches. Il montre une fille vivant au présent, amoureuse de plusieurs hommes à la fois, qui accepte la prostitution comme naturelle et s’y adonne sans états d’âme. Emaillant ses dialogues de mots d’argot en usage à l’époque, il traite son sujet avec verve et vigueur.
Le scénariste, à travers le parcours de Casque d’Or, s’attache à dépeindre la vie des faubourgs et le milieu particulier des voyous, un milieu qui n’avait rien de romantique. Ceux-ci étaient comme ceux d’aujourd’hui. Ils n’ont pas changé, sont toujours aussi présents dans ces zones, mais ils ont adapté leurs activités aux nouveaux besoins. Avec Leca, il dresse le portrait d’un homme au parcours délictueux qui a conforté ses capacités de bagarreur par un passage dans les Bat d’Af. Ces régiments chargés du maintien de l’ordre dans les régions qui composaient l’Afrique du Nord, se composaient surtout de délinquants et criminels. Celui-ci rêve d’une vie rangée dans un pays où il a vécu de bons moments.
Laurent Galandon, depuis quelques années, excelle à décrire des populations marginalisées, opprimées, telles que les enfants déportés, les Gitans, les gamins aux bagnes ou les ouvriers de Lip. Prendrait-il une nouvelle orientation tant les Apaches de l’époque ne rentrent pas dans de telles catégories ?
La mise en image est confiée à Kas, qui réalise un superbe traitement graphique du récit. Avec son dessin réaliste, extrêmement détaillé et précis, avec son art du portrait, il fait merveille. Il sait rendre le dynamisme des attitudes de ses personnages, donner une expressivité à leurs visages. Son trait est si attractif qu’il éclipserait presque les dialogues. La mise en couleurs, partagée entre Grazia et lui, renforce encore cette attractivité.
Ce tome clôt un magnifique diptyque, tant par la qualité de son scénario que par la beauté graphique des planches.
serge perraud
Laurent Galandon (scénario), Kas (dessin), Grazia et Kas (couleurs), La Fille de Paname, tome 2 : L’Homme aux tatouages, Le lombard, coll. “Signé”, juin 2014, 68 p. – 16,45 €.