Stefan Wul, connu sous le nom de Pierre Pairault dans le monde de la dentisterie, a construit, en deux ans, une œuvre inégalable de créativité dans le domaine de la Science-Fiction. Ces romans sont adaptés et mis en images par un groupe de scénaristes et de dessinateurs, en deux ou trois albums. C’est la redécouverte d’une œuvre qui, n’en déplaise aux esprits chagrins prompts à s’imaginer que le monde ne débute qu’avec eux, n’a pas pris une ride depuis les années 1956/1958.
Massir, un pilote, par amour pour la belle Neïde, n’assure plus que des liaisons courtes. Il se réveille pourtant, avec les membres de l’équipage, dans un vaisseau où hurle une alarme. Le Gardien, une entité bionique chargée du pilotage, est défaillant. Le navire spatial risque la collision avec une planète. Massir évite le heurt. Mais, quelques heures plus tard, l’astronef se retrouve dans une étrange caverne organique remplie de chlore liquide. Seuls Massir et deux autres membres de l’équipage ont survécu au choc.
Leur civilisation étant très avancée dans le domaine de la manipulation génétique, ils vont tenter de modifier leur environnement, de faire muter la matière organique qui les retient prisonniers. Mais, aussi avancée soit-elle, une société est composée d’êtres humains avec leurs différences, leurs clivages et leurs distinctions. Aussi, très vite, des tensions destructrices se font jour dans le trio…
Jouant sur deux époques, les auteurs (romancier et scénariste), dévoilent le parcours d’un homme hanté par le fantôme de son propre passé. L’intrigue s’appuie sur deux axes principaux : l’énigme que représente Massir et toutes les incertitudes liées à leur tentative pour se sauver du piège où ils tombés. L’adaptateur introduit quelques nouveautés par rapport à l’œuvre initiale, tout en en respectant l’esprit. Ainsi, par exemple, il propose une société où l’homosexualité est la règle et où l’hétérosexualité est considérée comme une déviation et réprimée comme telle. Il joue avec les concepts développés par Stefan Wul, comme la mutation provoquée, un domaine que l’auteur avait abordé en scientifique qu’il était. Il signe ainsi un huis-clos dont on attend le dénouement avec intérêt.
Le graphisme est partagé entre les deux auteurs des albums, Etienne Le Roux assurant le dessin et Hubert réalisant la mise en couleurs. Ils signent de superbes décors, des vues spatiales attractives et une mise en scène efficace. Les expressions des personnages, leurs sentiments sont parfaitement relayés.
Ce nouveau volet conforte tout le bien que l’on peut penser de cette série, à la conception singulière, d’une grand originalité, et qui redonne vie à une œuvre maîtresse de la Science-Fiction.
serge perraud
Hubert (scénario et couleur), Étienne Le Roux (dessin), Le Temple du passé — tome 1 : “Entrailles”, Ankama, coll. “Les Univers de Stefan Wul”, mai 2014, 56 p.