Une Françafrique plus vraie que nature…
Un journaliste gonzo mène des enquêtes ultra-subjectives, écrites à la première personne, nourries par des rencontres… et des prises de drogues. Elles impliquent, également, un fort engagement politique. Cette méthode d’investigation journalistique va, cependant, à l’encontre de la déontologie professionnelle voulant que l’information soit donnée de façon neutre et objective.
Viny K. pratique le journalisme gonzo tout en essayant d’oublier la drogue, une substance qu’il n’a pas touchée depuis un an, depuis qu’il fréquente les réunions des narcotiques anonymes. En rentrant au journal, un collègue lui signale des meurtres en série en lien avec le milieu de la prostitution. Pour en savoir plus, Viny retrouve un policier de ses connaissances qui évoque une affaire proche de celle imaginée par Gaston Leroux pour Le Mystère de la chambre jaune. Les victimes fréquentaient une boîte où officient des prostituées sénégalaises. Sur place, les questions de Viny agacent et il se fait vider. Il se rend dans l’appartement d’une victime où il découvre Africa Connexion, un livre signé par son ancien dealer. Ce dernier le met sur la piste d’une marabouteuse sénégalaise et du colonel Diambar, un mystérieux chef de guerre retranché dans la jungle. Il veut que la première mette fin à ses jours. Puis il révèle l’accès à un trésor détenu par un proche du président de la Guinée-Bissau. Cet argent pourrait servir à financer le coup d’Etat de Diambar…
Cet album relate la seconde enquête de ce héros aux opinions bien arrêtées. Sous une décontraction étudiée, et affichée de façon ostentatoire, il possède une vision acérée des situations et fait preuve d’un solide sens de l’humour. Dans ce volet, le scénariste s’inspire de la Françafrique, de ses bassesses, magouilles, complots, coups fourrés et trahisons… Il mêle, à des intentions politiques, les flux financiers, ces trésors fabuleux que se constituent des dirigeants minables et leurs séides pitoyables. Et le scénariste, ici, n’invente rien. Il ne s’inspire que d’une triste réalité. Il s’amuse, d’ailleurs, à dépeindre un de ces dictateurs avec les tics de langage des hommes politiques qui consistent à beaucoup parler pour noyer son interlocuteur et, en fait, ne rien dire, ni ne faire aucune réponse. Erwann Terrier, qui a participé à l’album collectif Le Tour du monde en bande dessinée tome 2, offre une forme graphique épurée, usant, cependant, pour renforcer les ombres et les silhouettes, de traits appuyés. Il réalise une mise en images tonique qui fait la part belle à l’action.
Avec ce second volet des aventures de son atypique héros, Vincent Bernière livre un scénario attractif, à la narration dynamique et aux rebondissements épatants. Une stupéfiante aventure de Viny K. se révèle une série qui mérite le détour.
serge perraud
Vincent Bernière (scénario), Erwann Terrier (dessin), Erwann & Léa Lamerre (couleurs), Une stupéfiante aventure de Viny K., tome 2 : « Toujours plus à l’ouest », Dupuis, avril 2014, 56 p. – 14,50 €.