Quand le futur n’est que vengeance
L’oracle recouvre différents sens dans la mythologie grecque, Il peut être celui qui reçoit le message des dieux, celui qui voit l’avenir, celui qui sait. Dans cette nouvelle série, conçue en cinq tomes indépendants à paraître en un an, l’Oracle est un vieil aveugle. Il parcourt la Grèce antique et raconte des histoires de mortels et de dieux.
Le premier récit s’intéresse à la Pythie de Delphes, la messagère des dieux, vivant recluse dans le temple dédié à Apollon. L’Oracle arrive dans la ville et, contre un peu de nourriture et de vin, raconte, l’histoire d’Aspasie, une des pythies. Déçu par la réponse qu’elle lui a faite Eurycratidès, le roi de Sparte, tue la voyante. Aspasie, encore enfant, prend la suite et quelques années plus tard, devient une des plus belles femmes et la meilleure des messagères. Mais Apollon, n’écoutant que son bon plaisir et son instinct de destruction, abuse d’elle lui faisant perdre son don. Toutefois, elle perçoit une dernière vision, celle d’un sombre futur. Elle convainc Eurycratidès pour, qu’à la tête de son armée, il fasse couler le sang, celui des humains et celui des… dieux ! Mais dans quel but…
Le thème principal sur lequel se base la série est la vengeance, celle de mortels abusés, trompés, trahis ou menacés par les dieux. Le fil rouge qui relie les albums et donne une cohésion aux cinq tomes est ce conteur aveugle, cet oracle qui, de ville en ville, et raconte pourquoi et comment s’organisent ces revanches. Servie par cinq couples de créateurs différents, la série-concept sera publiée à raison d’un tome tous les deux mois.
Olivier Péru a pour habitude d’offrir, avec un art de conteur chevronné, des intrigues denses, aux nombreux ressorts où se multiplient les péripéties. Avec ce one shot, il ne déroge pas à sa règle et imagine un complot tortueux à souhait, faisant s’affronter humains et dieux dans une lutte sans merci. Il donne, du panthéon grec, une image pragmatique mettant en scène toutes les passions telles que la haine, l’ambition, la jalousie partagées tant par les mortels que les immortels. Ces derniers étant les premiers à imaginer de quoi nuire aux humains pour s’amuser, tromper leur ennui (on doit finir par s’ennuyer quand on est immortel !). Il montre aussi la lutte interne, sur l’Olympe, pour le pouvoir, la tentation de tuer le père pour prendre sa place… Il dresse ainsi des portraits d’une grande justesse tant pour les mortels que les immortels.
Le dessin de Stefano Martino est tonique avec un trait élégant et un goût du détail. Il réalise des planches grandioses de batailles, des décors travaillés et des personnages dont il sait parfaitement rendre les émotions. Son cadrage et sa mise en images dynamique confortent le souffle épique de ce récit.
La Pythie, ce premier volume d’Oracle est une réussite dans tous les domaines. Souhaitons que les albums suivants soient de la même qualité.
serge perraud
Olivier Peru (scénério), Stefano Martino (dessin), Digikore Studios (couleurs), Oracle, tome 1 : « La Pythie », Editions Soleil, 2014, 52 p. – 14,50 €.