Olivier Peru & Stefano Martino, Oracle t.1: “La Pythie”

Quand le futur n’est que vengeance

L’oracle recouvre dif­fé­rents sens dans la mytho­lo­gie grecque, Il peut être celui qui reçoit le mes­sage des dieux, celui qui voit l’avenir, celui qui sait. Dans cette nou­velle série, conçue en cinq tomes indé­pen­dants à paraître en un an, l’Oracle est un vieil aveugle. Il par­court la Grèce antique et raconte des his­toires de mor­tels et de dieux.

Le pre­mier récit s’intéresse à la Pythie de Delphes, la mes­sa­gère des dieux, vivant recluse dans le temple dédié à Apol­lon. L’Oracle arrive dans la ville et, contre un peu de nour­ri­ture et de vin, raconte, l’histoire d’Aspasie, une des pythies. Déçu par la réponse qu’elle lui a faite Eury­cra­ti­dès, le roi de Sparte, tue la voyante. Aspa­sie, encore enfant, prend la suite et quelques années plus tard, devient une des plus belles femmes et la meilleure des mes­sa­gères. Mais Apol­lon, n’écoutant que son bon plai­sir et son ins­tinct de des­truc­tion, abuse d’elle lui fai­sant perdre son don. Tou­te­fois, elle per­çoit une der­nière vision, celle d’un sombre futur. Elle convainc Eury­cra­ti­dès pour, qu’à la tête de son armée, il fasse cou­ler le sang, celui des humains et celui des… dieux ! Mais dans quel but…

Le thème prin­ci­pal sur lequel se base la série est la ven­geance, celle de mor­tels abu­sés, trom­pés, tra­his ou mena­cés par les dieux. Le fil rouge qui relie les albums et donne une cohé­sion aux cinq tomes est ce conteur aveugle, cet oracle qui, de ville en ville, et raconte pour­quoi et com­ment s’organisent ces revanches. Ser­vie par cinq couples de créa­teurs dif­fé­rents, la série-concept sera publiée à rai­son d’un tome tous les deux mois.
Oli­vier Péru a pour habi­tude d’offrir, avec un art de conteur che­vronné, des intrigues denses, aux nom­breux res­sorts où se mul­ti­plient les péri­pé­ties. Avec ce one shot, il ne déroge pas à sa règle et ima­gine un com­plot tor­tueux à sou­hait, fai­sant s’affronter humains et dieux dans une lutte sans merci. Il donne, du pan­théon grec, une image prag­ma­tique met­tant en scène toutes les pas­sions telles que la haine, l’ambition, la jalou­sie par­ta­gées tant par les mor­tels que les immor­tels. Ces der­niers étant les pre­miers à ima­gi­ner de quoi nuire aux humains pour s’amuser, trom­per leur ennui (on doit finir par s’ennuyer quand on est immor­tel !). Il montre aussi la lutte interne, sur l’Olympe, pour le pou­voir, la ten­ta­tion de tuer le père pour prendre sa place… Il dresse ainsi des por­traits d’une grande jus­tesse tant pour les mor­tels que les immor­tels.
Le des­sin de Ste­fano Mar­tino est tonique avec un trait élé­gant et un goût du détail. Il réa­lise des planches gran­dioses de batailles, des décors tra­vaillés et des per­son­nages dont il sait par­fai­te­ment rendre les émo­tions. Son cadrage et sa mise en images dyna­mique confortent le souffle épique de ce récit.

La Pythie, ce pre­mier volume d’Oracle est une réus­site dans tous les domaines. Sou­hai­tons que les albums sui­vants soient de la même qualité.

serge per­raud

Oli­vier Peru (scé­né­rio), Ste­fano Mar­tino (des­sin), Digi­kore Stu­dios (cou­leurs), Oracle, tome 1 : « La Pythie », Edi­tions Soleil, 2014, 52 p. – 14,50 €.

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