Ce récit trentenaire est toujours aussi attractif avec son cocktail de magie, de combats, d’interventions de créatures fantastiques. C’est aussi une lutte féroce pour le pouvoir, des luttes intestines au sein des familles, des complots, des trahisons et des rapports humains, cependant, comme l’amour ou son contraire, la haine.
Ce nouveau tome aurait pu clore le cycle des Sudenne avec une victoire de l’une ou de l’autre des cousines. Or, Jean Dufaux ne retient pas les coups, et inscrit une lutte sans pitié, un combat où la traîtresse s’autorise toutes les violences. Il anime un couple inquiétant avec Aylissa et Lord Henry, laissant planer un doute quant à savoir qui manipule qui et quel est l’objectif final du traître. Il enchaîne les péripéties jusqu’à un dénouement qui ouvre en force sur un prochain album, au titre évocateur : Deux cousines.
Sioban est reçue par sa mère, Lady O’Mara. Elle lui annonce que sa cousine, Aylissa, fomente une révolte. Elle est très dangereuse. Cette dernière essaie de mobiliser le plus grand nombre de clans de l’Eruin Dulea pour se faire couronner. C’est Lord Henry qui évoque les forces qui contrôlent l’île. Il lui fait part de l’existence d’une statue qui remonte au temps de Moriganes quand elles régnaient sur le territoire. Il est persuadé que celle-ci possède de grands pouvoirs.
Et pour paralyser le clan des Loups Blancs, celui de Sioban, il fait proposer par Aylissa d’épouser le frère de Sioban, Wulff, un garçon de treize ans. Mais si Sioban est de retour, elle n’est pas la seule. Seamus refait surface. Mais il leur faudra oublier leurs différents car rien de fait reculer Aylissa, elle est prête à tout, même le pire, surtout le pire…
La mise en images se partage entre Paul Teng, qui réalise les dessins de ce cycle, et la lumineuse Bérengère Marquebreucq pour les couleurs. Le travail sur les personnages, sur l’expressivité tant des physionomies que des attitudes compose un joli ballet où le langage corporel prend une belle allure. Les différents protagonistes sont tous reconnaissables facilement. Les décors sont détaillés pour offrir des vues splendides de l’extérieur ou de l’intérieur des châteaux, des paysages forestiers, des masures.
Les teintes de Bérengère Marquebreucq reflètent les atmosphères, que ce soit ce climat pesant du drame en devenir ou les ambiances assez sombres, austères où la luminosité est réduite tant sous les nuages que dans les demeures, même les plus fastueuses. Elle réalise des ciels remarquables.
Avec le projecteur sur des personnages restés dans l’ombre, la série gagne encore en intensité avec une intrigue forte, sauvage et une mise en images qui ravit le regard.
serge perraud
Jean Dufaux (scénario), Paul Teng (dessins) & Bérengère Marquebreucq (couleurs), Complainte des Landes perdues — Cycle Les Sudenne — t.04 : Lady O’Mara, Dargaud, novembre 2024, 56 p. — 17,00 €.