Matz & Luc Jacamon, Le Tueur, Affaires d’État — t.06 : “Rigor Mortis”

Même chez un tueur…

La Répu­blique défend des idées huma­nistes, les met en avant quand il faut, mais dis­pose de pions ano­nymes qui lui per­mettent, dans des cas pré­cis, d’oublier momen­ta­né­ment ces idées ou de regar­der ailleurs. C’est le rôle du Tueur qui éli­mine des élé­ments dont l’existence met en péril trop de choses. S’ils sont connus puisque des res­pon­sables au plus haut de la hié­rar­chie leur assignent leurs mis­sions, ils res­tent tota­le­ment cachés.
Depuis le début de la série, com­men­cée en octobre 1998, le per­son­nage prin­ci­pal est un tueur pro­fes­sion­nel pré­senté comme un homme soli­taire et froid, métho­dique et conscien­cieux, qui n’a ni scru­pules, ni regrets. Tou­te­fois, le scé­na­riste fait évo­luer la cara­pace, ouvrant à des sen­ti­ments huma­nistes. Tou­te­fois, s’attacher à une per­sonne, c’est s’exposer à des dan­gers mor­tels car il faut la pro­té­ger. De plus, dis­pa­raître à deux est bien plus difficile.

Ce qui est fait est fait et il est impos­sible de reve­nir en arrière. C’est ce que pense le Tueur après son car­ton sur les gardes du corps de sa cible et après avoir recueilli la petite fille res­ca­pée de la tue­rie. Il refuse de l’abandonner, confie-t-il à Bar­bara, son contact à la police. Mais la mort du pro­cu­reur, que les poli­tiques allaient noyer en une affaire contre la Répu­blique, pro­voque une panique dans le réseau. Les cibles sont en train de dis­pa­raître.
La mis­sion conti­nue pour atteindre ceux qui sont encore à proxi­mité et ceux qui se croient hors de dan­ger en atten­dant de tra­quer ceux qui sont plus loin. Or, quand deux nuits après le départ de Bar­bara, dans la mai­son où le Tueur et l’enfant sont endor­mis, un com­mando for­te­ment armé arrive avec des inten­tions très bel­li­queuses, qui peut avoir trahi…

Le scé­na­riste fait tenir de nom­breuses réflexions per­ti­nentes à son héros sur l’état de la société. Celles-ci sont inté­grées de belle manière dans les planches, sous forme de car­touches à la lec­ture plai­sante et aisée. Il cite des auteurs et place une blague qui a cours aux USA selon laquelle il vaut mieux est riche et cou­pable que pauvre et inno­cent, plai­san­te­rie qui peut s’appliquer, hélas, dans toutes les régions du globe.

Luc Jaca­mon assure des­sins et cou­leurs depuis le pre­mier tome. C’est dire s’il pos­sède son per­son­nage qu’il campe de façon très réa­liste mais de manière mini­ma­liste pour le bas du visage. Il ne montre presque jamais ses yeux qui sont soit fer­més, soit dis­si­mu­lés der­rière des lunettes opaques. Ainsi, dans le pré­sent album, une seule vignette ne montre qu’un seul œil. Le tra­vail sur les décors est consé­quent et les scènes d’action sont éner­giques au possible.

Va-t-on encore suivre les aven­tures de ce mys­té­rieux per­son­nage quant à la teneur de la conclu­sion de ce second tome du dip­tyque ? Il faut le sou­hai­ter vive­ment car c’est un régal de lec­ture, une série qui ano­blit, si besoin était, la bande dessinée.

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serge per­raud

Matz (scé­na­rio) & Luc Jaca­mon (des­sins et cou­leurs), Le Tueur, Affaires d’État — t.06 : Rigor Mor­tis, Cas­ter­man, octobre 2024, 64 p. — 12,95 €.

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