Madeleine Riffaud, Jean-David Morvan & Dominique Bertail, Madeleine, résistante — t.03 : “Les nouilles à la tomate”

Dans les griffes de la Gestapo

C’est en 1942 que Made­leine se rend à Paris, depuis l’Isère, pour entrer dans la Résis­tance. Elle prend comme nom de guerre Rai­ner, en hom­mage à l’écrivain autri­chien, Rai­ner Maria Rilke. Elle enchaîne les mis­sions, se forme au com­bat clan­des­tin, grimpe rapi­de­ment dans les éche­lons de l’organisation. En 1944, elle intègre les FTP — Francs-tireurs et Par­ti­sans.
Le 23 juillet 1944, elle abat un offi­cier alle­mand, en plein jour, sur le pont de Sol­fe­rino. Elle est très vite arrê­tée par la Milice qui la tor­ture avant de la livrer à la Ges­tapo. Ce sont plus de trois semaines de tor­tures, mais elle ne parle pas. Elle est condam­née à mort et fait par­tie du der­nier convoi de dépor­tés poli­tiques, au départ de la Capi­tale, pour Buchen­wald et Ravens­brück. Mais le 15 août, elle par­vient à s’échapper.
Elle par­ti­cipe alors aux com­bats pour la libé­ra­tion de Paris, stop­pant, entre autres, un train de sol­dats alle­mands dans le tun­nel des Buttes-Chaumont, fai­sant avec trois autres com­bat­tants quatre-vingt pri­son­niers. Mais……

Dans ce nou­veau volet, Made­leine Rif­faud revient sur les cir­cons­tances de son arres­ta­tion et les tor­tures endu­rées. Elle expli­cite les tech­niques uti­li­sées par la Milice, par la Ges­tapo pour bri­ser les corps, ame­ner aux aveux et à livrer les infor­ma­tions per­met­tant de tra­quer d’autres résis­tants, de mettre à mal un réseau. Mais, elle décrit avec pré­ci­sion la manière qu’elle uti­li­sait pour résis­ter mal­gré la dou­leur, pour faire fi de la souf­france. C’est aussi la des­crip­tion des rap­ports entre les Fran­çais rele­vant du gou­ver­ne­ment de Vichy et les forces nazies.
Jean-David Mor­van tra­vaille avec l’héroïne qui raconte, détaille, se sou­vient avec pré­ci­sion des évé­ne­ments. Et la bande des­si­née est le reflet de son témoi­gnage. Tou­te­fois, en tant que scé­na­riste patenté, il doit pro­po­ser un récit, une façon d’exprimer, de regrou­per, de faire des ponts entre des faits pour struc­tu­rer l’histoire. Et la réa­lité dépasse sou­vent la fic­tion. Les dia­logues sont une syn­thèse de ceux expri­més par Made­leine et de ce qu’impose une cer­taine flui­dité du récit, un récit qui oscille entre une bio­gra­phie et une bande des­si­née de genre.

Domi­nique Ber­tail assure le gra­phisme avec la néces­sité d’un réa­lisme appuyé sur une solide docu­men­ta­tion. S’il y a pas mal de pho­tos prises lors de l’insurrection de Paris, il y en a beau­coup plus sur la libé­ra­tion de la Capi­tale. Il ne peut se per­mettre, alors, aucune approxi­ma­tion. Mais, avec ce souci du détail qui le carac­té­rise, il cherche à com­po­ser une réa­lité. Par exemple, lorsqu’un nou­veau per­son­nage entre en scène, il s’enquiert auprès de Madame Rif­faud d’éléments qui n’apparaissent pas sur les pho­tos. Avait-il une poi­gnée de main ferme, un regard franc ou fuyant, une allure inquié­tante…
Quant à l’héroïne qui avait seize ans lorsque débute le récit, donc plus une ado­les­cente qu’une adulte, il fait pro­gres­ser son phy­sique vers celui de la femme qu’elle est devenue.

Avec ce nou­veau volet, les auteurs sacrent une bande des­si­née de chair et de sang, où ils réunissent actions, émo­tions, poé­sie, sen­ti­ments, vio­lences et dou­ceur. Une réus­site totale !

serge per­raud

Made­leine Rif­faud & Jean-David Mor­van (scé­na­rio et dia­logues), Domi­nique Ber­tail (des­sin et cou­leurs), Made­leine résis­tante — t.03 : Les nouilles à la tomate, Dupuis, coll. “Aire Libre”, août 2024, 128 p. — 23,50 €.

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