C’est en 1954 que William Golding, qui obtiendra le prix Nobel de littérature en 1983, fait paraître ce roman Lord of the Flies. S’il a eu du mal à faire publier son premier livre, refusé par plusieurs éditeurs, celui-ci a vite connu le succès. Aujourd’hui, après la vente de plusieurs millions d’exemplaires, il est traduit en quarante-quatre langues. Peter Brook en a fait un film en 1963. Mais, c’est la première fois qu’il fait l’objet d’une version en bande dessinée.
Un jeune garçon grimpe sur un rocher. Ce qu’il voit l’interpelle. En redescendant, il retire son pull d’écolier puis le reste quand il voit une piscine naturelle dans laquelle il plonge. Un autre garçon, vêtu comme le premier, le rejoint. Le second raconte l’avion en feu et le premier qu’ils sont sur une île. Ils constatent qu’il n’y a aucune grande personne. Le premier dit s’appeler Ralph alors que le second, qui est grassouillet, ne veut plus qu’on l’appelle comme à l’école Cochonnet.
Ralph découvre un gros coquillage et s’en sert comme une conque. Le son fait venir de plus en plus d’enfants. Survient aussi un groupe en uniforme, en rang par deux, mené par Jack qui veut qu’on l’appelle Merridew. Il faut désigner un chef qui prenne des décisions. Merridew estime que ce titre lui revient. Mais Ralph demande un vote et… l’emporte. Il a cependant la présence d’esprit de demander à Merridew de constituer, à la tête de son cœur, un groupe de chasseurs.
Mais pourquoi les enfants ne feraient-ils pas les mêmes erreurs que les adultes ? Et des conflits s’installent, la violence et la brutalité prennent le pas…
Aimée de Jongh découvre ce livre au lycée. Il y a quelques années, elle avait pris contact avec l’éditeur anglais pour en faire une adaptation. Mais, à l’époque, on lui répond que ce n’est pas envisageable. Il y a trois ans, Faber & Faber ont repris contact. Après un pitch, quelques pages, l’accord des héritiers et de l’éditeur est obtenu.
Elle a souhaité, bien sûr, rester le plus fidèle au texte original. Mais, si des passages trouvent parfaitement leur place dans un livre, ils fonctionnent mal, voire pas, en bande dessinée. Ainsi, elle offre une version très respectueuse reprenant in extenso certaines phrases qu’elle trouve très belles. Chaque personnage incarne une idée, un symbole qui est conservé, de l’anarchie, à l’ordre, de l’intellect à la culture… Elle a gardé aussi ce qui fait la force du roman, un texte écrit après la Seconde Guerre mondiale pour dénoncer avec lucidité, la barbarie, la xénophobie, la dictature et le racisme.
Cependant, le ton reste pessimiste car la conclusion est sans appel. La nature profonde de l’être humain n’est pas faite pour l’empathie, la sapience et une société apaisée.
Mais, sans le graphisme d’Aimée de Jongh, à la fois synthétique, épuré et puissant, l’adaptation magistrale perdrait un peu de sa force. Elle met en scène une belle galerie d’enfants avec une imagination fertile. Ses cadrages, ses perspectives comme ses points de vue, servent admirablement les propos.
Aimée de Jongh signe une adaptation réussie, une première en bande dessinée qui va poser une jolie pierre sur le cairn des rééditions fêtant les 70 ans de la publication initiale du texte.
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serge perraud
Aimée de Jongh (scénario d’après William Golding, dessin et couleurs), Sa Majesté des mouches, Dargaud, septembre 2024, 35 p. — 35,00 €.