Hervé Jubert, Le Tournoi des ombres

James Bond dans l’univers de Jules Verne

Hervé Jubert excelle dans le récit où se mêlent le mer­veilleux, le fan­tas­tique et la fée­rie. Il met en scène un uni­vers où se côtoient humains et les com­po­santes du peuple de fée­rie, dans une époque qui res­semble fort à nôtre Second Empire.
Georges Beau­re­gard est un architecte-mage employé au minis­tère des Affaires étranges. Il est l’un des der­niers à défendre ce qui reste du peuple de féé­rie qui coha­bi­tait avec les humains. Dans son hôtel-refuge, il pro­tège les créa­tures qu’Obéron III, l’empereur, veut éra­di­quer de la ville de Séquana et de son royaume. Après avoir sauvé l’empereur de l’emprise d’Asmodée, une entité malé­fique, dans un train de fan­tômes, Georges pense par­tir quelques jours en vacances. Mais Tita­nia, l’impératrice, exige qu’il assure la sécu­rité du couple royal pen­dant leur séjour à New Lon­don où ils par­ti­ci­pe­ront à des céré­mo­nies qui se clô­tu­re­ront par l’inauguration du tun­nel sous le Détroit. Bien qu’il nour­risse de l’antipathie pour le peuple d’Albion, il part pour tra­vailler avec John Dee, le psy­cho­man­cien de Vic­to­ria, dont l’âge se compte en siècles. Paral­lè­le­ment, un enfant en colère fait éva­der trois femmes de la pri­son du Mont-Tombe. Mais, lors des fes­ti­vi­tés, un smog s’abat sur la ville et trois enti­tés en pro­fitent pour accom­plir un car­nage. Der­rière elles se cache un ennemi qui veut abattre l’Empire. Beau­re­gard, Jeanne son assis­tance et John Dee, peuvent-ils lut­ter à armes égales ?

Le roman­cier déve­loppe un monde qui réunit des com­po­santes fée­riques, des mythes de la lit­té­ra­ture popu­laire et des élé­ments his­to­riques authen­tiques tant dans les évé­ne­ments que dans les per­son­nages. Il met en scène une intrigue fort bien trous­sée qui s’appuie sur des péri­pé­ties clas­siques trai­tées, cepen­dant, avec les meilleurs rebon­dis­se­ments auto­ri­sés par le fan­tas­tique. Il façonne, ainsi, une his­toire pas­sion­nante qui tient en haleine jusqu’à la der­nière ligne. Il intègre, en “fil rouge”, la recherche pour Georges et Jeanne, des enfants trou­vés, de leur ori­gine, de leurs géni­teurs. Mais, le prin­ci­pal attrait du roman est dans la façon d’intégrer dans cet uni­vers, mille réfé­rences à notre monde. Hervé Jubert le fait de manière si sub­tile, avec tant d’humour, que c’est un régal. C’est ainsi qu’on ren­contre, entre autres, car tous les citer revien­drait à une énu­mé­ra­tion fas­ti­dieuse : John Dee, Gus­tave Doré, Vic­tor Hugo, l’ombre de Gérard de Ner­val, de Sher­lock Holmes…
Il met en place un ensemble cohé­rent de don­nées, allant au bout d’une logique. Alors qu’il dénomme Albion, l’Angleterre, le héros : “file à l’Albionnaise”. Il désigne des lieux bien connus comme le canal de Suez, qui devient le canal des Pha­raons. La télé­vi­sion que les héros découvrent, est un miroir noir inventé par John Dee. Pour com­prendre et se faire com­prendre des étran­gers, il faut ingé­rer des bal­lo­tins espé­ranto… Jubert donne des images sur­pre­nantes, inso­lites comme celle qui désigne les triomphes d’Obéron III, par rap­port à son oncle : « Son neveu, dont les conquêtes ne se jau­geaient pas en acres, mais en soupirs… »

Le roman­cier signe un récit vif, gai, tonique, riche et inven­tif, tant dans les actions et péri­pé­ties que dans les images et com­pa­rai­sons. Ce roman néces­site au moins deux lec­tures, une pre­mière pour suivre l’intrigue où l’action est très pré­sente, une seconde pour débus­quer et appro­fon­dir toutes les trou­vailles scé­na­ris­tiques et humo­ris­tiques que glisse l’auteur, pour com­prendre le sens de cer­taines cita­tions sur la réa­lité des per­son­nages ou sur les situa­tions uti­li­sées par Hervé Jubert qui les masque de façon adroite et ingé­nieuse.
Le Tour­noi des ombres, le tome 2 de Magies secrètes, est un roman très agréable à lire, bourré de réfé­rences, d’humour, et qui offre la décou­verte d’un XIXe siècle, modelé tel un uni­vers fée­rique pour don­ner un nou­veau monde qui res­semble au nôtre. À lire sans modération !

serge per­raud

Hervé Jubert, Le Tour­noi des ombres, tome 2 de Magies secrètes, Le pré aux clercs, coll. “Pan­dore”, octobre 2013, 336 p. – 16,00 €.

Leave a Comment

Filed under Jeunesse

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>