La nouvelle vie du Démon des Caraïbes…
C’est le 29 octobre 1959 que paraissent les premières planches des aventures du pirate dans les pages de Pilote sous la plume de Jean-Michel Charlier et le dessin de Victor Hubinon. Après une interruption de dix-neuf ans, les Editions Dargaud “ressuscite” le Démon des Caraïbes en 2020 avec Jean-Charles Kraehn & Stefano Carloni.
Odilon, pour tromper cette garde de nuit interminable, abuse du tafia. Et, s’il voit soudain des fantômes flotter au-dessus du sol, une fléchette l’endort. Mais les fantômes ne tuent pas, ils rapinent. Dans un palais de Cap-Français, le gouverneur de Saint-Domingue ordonne, non sans peine, à Barbe-Rouge et Éric, de faire cesser ces vols.
Baba, en compagnie de Triple-patte assiste, révolté, au supplice d’un esclave noir en place publique. Il est marqué au fer et a le jarret coupé. Aussi, quand Barbe-Rouge répartit les tâches pour commencer cette nouvelle mission, Baba refuse de renoncer à voir sa fiancée pour aider des planteurs qui exploitent et martyrisent des hommes comme lui. Éric, bien à contrecœur, accepte bien qu’il trouve passer trop peu de temps avec Carmen, sa fille.
Et Baba tente de racheter Bekki à Concha. Face au refus de cette dernière, il enlève sa fiancée et ils s’enfuient. C’est alors que Barbe-Rouge est confronté à Peet le Bordelais, un chasseur d’esclaves qui va le faire chanter en kidnappant Carmen…
Pour ce quatrième tome, le scénariste aborde de front l’esclavage qui régnait dans les Caraïbes. Il met en scène tous les mécanismes du commerce triangulaire, les maîtres qui achètent les esclaves et les utilisent, la fuite de ces femmes et de ces hommes et toutes les structures pour les rechercher et les punir. Il fait mention du fameux Code Noir qui prévoyait les peines à appliquer à un esclave. Malgré la cruauté de cette ordonnance de mars 1685 et de ses édits successifs, ce code avait le mérite de freiner les abus de certains maîtres qui n’hésitaient à pratiquer d’ignobles tortures.
Jean-Charles Kraehn met en avant de l’action certes, mais aussi des états d’âmes de ses héros. C’est la révolte de Baba, la honte de Triple-Pattes, la détermination d’Éric et les troubles d’un Barbe-Rouge confronté à cette révolte, à ces refus et surtout à l’abjection de ces chasseurs d’esclaves.
Stefano Carloni assure un graphisme réaliste et efficace, que ce soit pour présenter des personnages, dresser des décors et mettre la navigation à voiles au mieux dans les vignettes. La mise en page est particulièrement variée, apportant une lecture agréable.
Ce premier volet d’un diptyque mêle avec bonheur le classicisme des créateurs avec une belle modernité, autant dans le choix des thèmes servant de supports aux intrigues que dans un graphisme dynamique et de belle facture.
serge perraud
Jean-Charles Kraehn (scénario) & Stefano Carloni (dessin et couleurs), Les nouvelles aventures de Barbe-Rouge — T.04 : Chasseur d’esclaves, Dargaud, septembre 2024, 56 p. — 17,00 €.