Quand les affaires paraissent simples…
Léonard Zinberg a utilisé nombre de pseudonymes au cours de sa carrière littéraire, dont Ed Lacy pour ses romans policiers. Il a exprimé, à de nombreuses reprises, son refus de créer des héros de série, trouvant qu’il était très ennuyeux pour le romancier d’utiliser le même personnage. Or, avec le présent roman, il fait une entorse à sa règle puisqu’on retrouve, avec bonheur, Toussaint Marcus Moore, le détective de Room to Swing (Traquenoir) publié aux USA en 1964 et en France par les Éditions du Canoë en 2022.
Toussaint se réveille aux côtés de Frances qui lui annonce qu’il va être papa. Si elle est folle de joie, il n’en n’est pas de même pour lui. Il lui faudra plus d’argent, déménager pour un appartement plus grand, se serrer la ceinture pour offrir des études à l’enfant… Son métier de postier, s’il est noble, n’est pas bien payé. Il lui rapporte moins que l’emploi de secrétaire de Frances.
C’est dans cet état d’esprit qu’il rencontre Ted Bailey et Kat Robbens qui lui proposent une mission à Mexico, une affaire simple qui lui prendra peu de temps et qui est bien payée. Il faut tirer au clair la demande d’une jeune veuve qui est persuadée que son mari a été assassiné par un célèbre toréro…
Avec Toussaint, le romancier met en scène un détective qui, contrairement à nombre de ses confrères de l’époque, est non-violent. Le héros est noir et subit le racisme récurrent aux USA, un racisme qu’il retrouve, un peu atténué cependant, au Mexique. Dans ce pays, celui-ci s’exerce sur une population encore plus méprisée, les Indiens.
L’auteur dépeint un Mexique sur lequel il s’est documenté en profondeur pour en restituer l’esprit, les constantes. Il a fait de même pour dépeindre avec précision les milieux de la tauromachie et de l’herpétologie — l’étude scientifique des reptiles.
Avec un récit habile, une construction au cordeau, Lacy entraîne son héros sur une affaire très ambiguë. Il lui fait tenir ses propres opinions, que ce soit sur le racisme, sur les rapports avec les femmes, sur la tauromachie. Et il lui fait aussi stigmatiser la misogynie institutionnalisée, le culte de la virilité, celui des armes, la corruption et la violence.
Une introduction fort détaillée est signée par Roger Martin, par ailleurs traducteur du roman.
Un roman à découvrir pour la richesse de son contenu, pour son héros attachant, pour cette intrigue subtile menée avec brio.
serge perraud
Ed Lacy, La Mort du toréro (Moment of Untruth), traduit de l’anglais (américain) par Roger Martin, Éditions du Canoë, avril 2024, 256 p. — 18,00 €.