Jean-Pierre Montal, La Face nord

…la plus difficile !

Pierre Var­lin adore Elle et lui, le film de Leo McCa­rey. Il en appré­cie les deux ver­sions tour­nées à dix-huit ans d’écart. C’est en sor­tant d’un énième vision­nage qu’il croise de regard amusé d’une femme. Le len­de­main, après une jour­née pénible, il retourne dans le même cinéma. En sor­tant, une voix fémi­nine lui demande : “Vous aimez beau­coup ce film…”. Elle ajoute : “Vous sem­blez moins ému qu’hier.” Il recon­naît la dame et, après une brève réponse, ils se séparent.
Trois mois passent. Après une nou­velle séance, il décide de boire une bière et retrouve le pro­fil fémi­nin qu’il avait admiré. La conver­sa­tion s’engage autour de Elle et lui. Ils se retrouvent avec plai­sir. Flo­rence dévoile qu’elle a soixante-douze ans et lui quarante-huit. C’est en reve­nant à leur table qu’il est fas­ciné par sa nuque, une nuque juvé­nile qu’il embrasse quand elle monte dans le taxi. Celui-ci fait cin­quante mètres et s’arrête…

Ce livre offre de mul­tiples facettes. Un film, qui met en scène une his­toire inache­vée, motive la nais­sance d’une his­toire d’amour entre deux per­sonnes qu’une dif­fé­rence d’âge pour­rait sépa­rer. Ce film raconte une ren­contre qui pour­rait aller vers l’adultère si le hasard ne se jouait pas d’eux. Le roman­cier explore ces liens qui se com­binent sans s’atteindre, ces amours avor­tés, ces ren­contres sans len­de­main mais qui laisse des traces, des regrets, des plaies.
Et l’auteur donne à ces deux pro­ta­go­nistes cette dou­lou­reuse expé­rience. Mais, il enrobe cette his­toire man­quée de réflexions sur l’existence quo­ti­dienne de cha­cun. Pierre a vécu une décep­tion, Flo­rence, veuve depuis quelques années, fait décou­vrir sa propre décon­ve­nue. Et le récit navigue du Paris d’aujourd’hui à l’Angleterre, à l’île de Man, à la Vienne des années 1970 avec son aura de romantisme.

Autour de ce couple, il évoque les camps de concen­tra­tion, inven­tion des Anglais lors de la guerre des Boers en 1901, celui de Hut­chin­son sur l’île de Man en 1940. Il raconte avec verve le plai­sir de vivre à Paris au mois d’août quand la capi­tale n’est plus livrée qu’aux tou­ristes. Il dis­tille des pointes d’humour comme le vécu, au mois de sep­tembre, du vacan­cier céli­ba­taire. Il évoque le syn­drome du per­ro­quet, donne un jeu de mots assez leste avec Molière. Le titre ren­seigne sur cette face répu­tée la plus dif­fi­cile, concluant tou­te­fois : “La vie entière n’est-elle pas une face nord ?

Abor­dant les consé­quences des échecs amou­reux, la dif­fi­culté de s’en abs­traire, d’oublier, Jean-Pierre Mon­tal donne un récit d’une beauté trou­blante, explore les fron­tières indé­cises de vies vécues ou rêvées.

serge per­raud

Jean-Pierre Mon­tal, La Face nord, édi­tions Séguier, coll. “L’indéFINIE”, août 2024, 160 p. — 19,00 €.

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