Quand la virosphère se déchaîne…
Avant d’être le romancier à succès que l’on connaît, James Rollin obtient un doctorat de médecine vétérinaire en 1985. Il exerce à Sacramento, en Californie, avant de basculer entièrement dans l’écriture. C’est fort de ces connaissances qu’il aborde nombre de données relatives aux comportements des animaux, des insectes et… des virus.
Le contenu de ce livre, prévient l’auteur, plonge dans les arcanes de la biologie des virus, la manière dont ces infimes particules enveloppent la vie sur Terre dans une immense toile d’araignée invisible. Ce sujet l’intéressait depuis longtemps, mais il a hésité à en terminer l’écriture quand a déferlé, sur la planète, la pandémie de la Covid-19. Il craignait qu’on pense à une récupération de l’actualité. Mais comme il avait abordé des thèmes similaires dans, par exemple, Le 7e Fléau, La 6e Extinction, il a continué. Et il montre à quel point l’humanité est dépendante de ces virus, ceux-ci étant intimement liés à l’évolution de l’humain.
En 1894, un missionnaire tente de protéger une tribu contre l’attaque d’un groupe de cannibales quand il découvre, par le biais d’une médaille, la preuve de l’existence de Frère Jean, ce mythique prêtre-roi chrétien qui régna sur une grande partie de l’Afrique.
De nos jours, dans la forêt de la République Démocratique du Congo, Charlotte Girard est réveillée par une vive morsure. C’est une fourmi de belle taille. Mais elle n’est pas la seule, le campement de Médecins Sans Frontière est envahi. Elle pense que cela est dû aux pluies diluviennes qui ravagent le pays depuis quelques temps. Rejoignant un collègue, elle constate une étrange et nouvelle pathologie. Un enfant ne réagit plus, totalement atone. De nouveaux cas sont repérés. Ils veulent joindre, grâce au capitaine Tucker Wayne, un maître-chien, Frank Whitaker, un spécialiste des virus. Celui-ci est face à des crocodiles qui vivent sous terre. Quand ils sont réunis avec les membres de MSF, ce qu’ils découvrent est effrayant.
La force Sigma est mobilisée, mais comment face à un tel chaos, pourra-t-elle enrayer cette épidémie dont la propagation est démentielle……
Avec l’équipe de la Sigma Force emmenée par Gray, le romancier nourri son action trépidante de nombre de données à la fois légendaires, historiques et scientifiques. Outre les dangers physiques qui guettent les protagonistes, c’est le déferlement de cette contagion qui fait craindre le pire. James Rollins utilise le fait que la plupart des nouveaux virus naissent des bouleversements de l’environnement naturel. Et il utilise des crues gigantesques pour modifier une virosphère qui va amener une maladie qui touche à la fois l’Homme et les animaux, une apathie totale pour le premier, une agressivité sans limites pour les seconds.
Mais c’est aussi la recherche de trésors fabuleux, ceux du roi Salomon… Il fait état des exactions subies par les populations indigènes avec l’arrivée des colons quand déferla sur l’Afrique la fièvre du caoutchouc.
Il évoque alors, par touches, l’histoire du Congo, les atrocités subies par les indigènes durant les vagues successives du colonialisme. Il met en scène ce Prêtre Jean, entre mythologie est histoire, cette homme qui serait un descendant de Balthazar, un des rois mages venus à la naissance de Jésus. Il évoque le peuple Kuba, une tribu encore florissante et les pygmées. Il fait une large place aux animaux, particulièrement aux chauves-souris et à leurs étranges particularités biologiques, et bien sûr, aux virus, les géants, les omnivirus…
Une fois encore, ce romancier conjugue, avec une remarquable maestria, un récit d’aventures riche en péripéties, des données historiques et scientifiques de premier plan. Ce roman est un régal tant il aborde, avec cette histoire bien actuelle, un nombre impressionnant de sujets.
serge perraud
James Rollins, Crépuscules (Kingdom of bones), traduit de l’anglais (États-Unis) par Leslie Boitelle-Tessier, Éditions Fleuve Noir, coll. “Policiers & Thrillers”, avril 2024, 480 p. — 23,90 €.