Antonio Soler, Sud

 Point trop n’en faut

Vingt-quatre heures dans une ville du sud de l’Espagne, entre faits divers et voyages inté­rieurs. Un homme mou­rant est décou­vert dans un ter­rain vague, alors que les four­mis com­mencent à le dévo­rer. Sa femme, méde­cin, s’inquiétait d’être sans nou­velles de lui depuis plu­sieurs jours. Leur fils ado­les­cent pense davan­tage à ses amours et fume des pétards, ce qui lui fait deux points com­muns avec une kyrielle de per­son­nages issus de diverses classes sociales : un étu­diant raté, des musi­ciens ambu­lants, des mau­vais garçons…

Tandis que les lignes nar­ra­tives s’entrelacent, la consom­ma­tion de drogues ou d’alcool devient l’une des constantes du récit, de façon las­sante, car l’auteur n’en tire pas d’effets assez variés. L’autre constante, ce sont les dia­logues ou les échanges de tex­tos bas de pla­fond, qu’on aurait aimé trou­ver drôles, mais qui sont le plus sou­vent fas­ti­dieux, d’autant qu’ils se mul­ti­plient sans rien nous révé­ler de nou­veau sur les personnages.

Ce que le roman a de plus appré­ciable, c’est la ligne nar­ra­tive consa­crée au jeune homme sur­nommé l’Athlète, dont le jour­nal intime offre des pas­sages proches par endroit de la poé­sie en prose, empreints de mélan­co­lie et d’inquiétude. On subo­dore que c’est là une sorte d’autoportrait de l’auteur tel qu’il fut avant de s’affirmer, et l’on regrette que l’Athlète n’occupe pas une place plus impor­tante dans la nar­ra­tion, de pré­fé­rence aux imbé­ciles ennuyeux.
Curieu­se­ment, une autre ligne nar­ra­tive qui parais­sait pro­met­teuse, celle de la ren­contre d’un homme d’affaires let­tré et d’une Franco-Espagnole por­tée à se moquer de la cour qu’il lui fait, se déve­loppe à tra­vers un aller-retour en TGV entre le sud et Madrid, pour finir de manière pré­vi­sible autant que dépour­vue d’intérêt.

Dans la par­tie finale du récit, les faits divers se mul­ti­plient à un rythme outran­cier, sans doute auto­pa­ro­dique, qui ne manque pas de saveur. Mais le plus plai­sant et inté­res­sant (outre l’histoire de l’Athlète), c’est la “Liste des per­son­nages“ qui clôt le volume, et qui consiste à por­trai­tu­rer cha­cun d’eux, sou­vent de façon sur­pre­nante, en four­nis­sant des infor­ma­tions inédites. Bien enle­vés et concis, ces por­traits témoignent d’un des meilleurs aspects du talent d’Antonio Soler.
Dom­mage que l’auteur se soit com­plu, avant d’en arri­ver là, dans le ver­biage las­sant : point trop n’en faut.

agathe de lastyns

Anto­nio Soler, Sud, tra­duit de l’espagnol par Guillaume Contré, Rivages poche, mai 2024, 688 p. – 12,50 €.

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