Vingt-quatre heures dans une ville du sud de l’Espagne, entre faits divers et voyages intérieurs. Un homme mourant est découvert dans un terrain vague, alors que les fourmis commencent à le dévorer. Sa femme, médecin, s’inquiétait d’être sans nouvelles de lui depuis plusieurs jours. Leur fils adolescent pense davantage à ses amours et fume des pétards, ce qui lui fait deux points communs avec une kyrielle de personnages issus de diverses classes sociales : un étudiant raté, des musiciens ambulants, des mauvais garçons…
Tandis que les lignes narratives s’entrelacent, la consommation de drogues ou d’alcool devient l’une des constantes du récit, de façon lassante, car l’auteur n’en tire pas d’effets assez variés. L’autre constante, ce sont les dialogues ou les échanges de textos bas de plafond, qu’on aurait aimé trouver drôles, mais qui sont le plus souvent fastidieux, d’autant qu’ils se multiplient sans rien nous révéler de nouveau sur les personnages.
Ce que le roman a de plus appréciable, c’est la ligne narrative consacrée au jeune homme surnommé l’Athlète, dont le journal intime offre des passages proches par endroit de la poésie en prose, empreints de mélancolie et d’inquiétude. On subodore que c’est là une sorte d’autoportrait de l’auteur tel qu’il fut avant de s’affirmer, et l’on regrette que l’Athlète n’occupe pas une place plus importante dans la narration, de préférence aux imbéciles ennuyeux.
Curieusement, une autre ligne narrative qui paraissait prometteuse, celle de la rencontre d’un homme d’affaires lettré et d’une Franco-Espagnole portée à se moquer de la cour qu’il lui fait, se développe à travers un aller-retour en TGV entre le sud et Madrid, pour finir de manière prévisible autant que dépourvue d’intérêt.
Dans la partie finale du récit, les faits divers se multiplient à un rythme outrancier, sans doute autoparodique, qui ne manque pas de saveur. Mais le plus plaisant et intéressant (outre l’histoire de l’Athlète), c’est la “Liste des personnages“ qui clôt le volume, et qui consiste à portraiturer chacun d’eux, souvent de façon surprenante, en fournissant des informations inédites. Bien enlevés et concis, ces portraits témoignent d’un des meilleurs aspects du talent d’Antonio Soler.
Dommage que l’auteur se soit complu, avant d’en arriver là, dans le verbiage lassant : point trop n’en faut.
agathe de lastyns
Antonio Soler, Sud, traduit de l’espagnol par Guillaume Contré, Rivages poche, mai 2024, 688 p. – 12,50 €.