Cécile Cabanac, À pleurer tout nous condamne

Ce n’était pas tou­jours mieux avant…

Alice Broca est atta­chée par­le­men­taire auprès de Man­sart, un élu ambi­tieux et tyran­nique. Elle n’en peut plus. Proche du sui­cide, elle décide de tout quit­ter et se réfu­gie dans la mai­son de cam­pagne de ses parents, en pays basque. C’est là que sa tante, Diane Tra­jan, la sœur de sa mère, avait ins­tallé son cabi­net après avoir quitté son emploi dans un grand hôpi­tal pari­sien.
Il y a vingt ans Diane dis­pa­raît. La mai­son est grande ouverte et des traces de sang salissent le sol. Les enquêtes res­tent sans réponses. Ce mal­heur a trau­ma­tisé toute la famille, même Alice qui avait sept ans.

Pour ne pas som­brer, elle décide de faire la lumière sur cette affaire, de cher­cher ce qui a pu arri­ver à Diane, de com­prendre les rai­sons de cette dis­pa­ri­tion. Dans une com­mu­nauté repliée sur elle-même, où règnent des non-dits, des secrets, ses pre­mières ques­tions dérangent. Très vite, elle res­sent une cer­taine ani­mo­sité à son égard, cette étran­gère qui se mêle de remuer le passé et elle voit des portes se fer­mer.
Elle retrouve le poli­cier en charge de l’affaire à l’époque. Bien que retraité, cette enquête conti­nue de le tour­men­ter et il vou­drait en connaître le fin mot. Mais à vou­loir à tout prix décou­vrir une vérité…

Cécile Caba­nac struc­ture un récit autour d’une étrange et sur­pre­nante dis­pa­ri­tion. Elle mêle alors des liens fami­liaux avec ceux tis­sés avec des voi­sins, des per­sonnes côtoyées avec qui des contacts régu­liers amènent à livrer des confi­dences. Elle rap­pelle des rap­ports anciens quand l’héroïne, encore enfant, venait pas­ser des vacances.
Diane s’est fait appré­cier par son dévoue­ment parmi la popu­la­tion dans ce cadre rural. Sa dis­pa­ri­tion a ému à l’époque. Depuis, des évé­ne­ments sont venus se super­po­ser et étouf­fer toute vel­léité pour savoir ce qui s’est passé. Des faits, effa­cés par le temps, prennent le timbre du secret.

Pour ani­mer cette intrigue retorse, la roman­cière construit une suite de per­son­nages abso­lu­ment remar­quable. Son héroïne est atta­chante dans sa quête mal­gré les dif­fi­cul­tés, les moments de doute, de décou­ra­ge­ment. Et plus elle fouille, plus elle trouve des élé­ments qui l’interpellent sur les actions menées par sa tante, qui semblent en contra­dic­tion avec sa per­son­na­lité.
Elle est confron­tée aux silences, à la dis­si­mu­la­tion de faits, de situa­tions. Des dis­pa­ri­tions, des départs, des fuites, inter­rogent. Les allers retours entre le passé et le pré­sent cadencent le récit, déve­loppent les dif­fé­rentes étapes dans les enquêtes, dans les recherches, dans les pistes qui se tarissent, dans les impasses et dans les mul­tiples inter­ro­ga­tions face aux décou­vertes, des actions qui semblent inexplicables.

Très vite, une ambiance funeste, une atmo­sphère pesante s’installent dans ce huis clos vil­la­geois. La quête de vérité d’Alice dérange du monde, les habi­tants qui ont construit un cer­tain déni, les membres de sa famille qui ont ins­tallé des tabous. À réveiller des fan­tômes, elle traque des mys­tères et ceux-ci sont par­ti­cu­liè­re­ment nom­breux sur ce petit coin de terre.
À pleu­rer tout nous condamne est une nou­velle réus­site roma­nesque de Cécile Caba­nac qui ins­talle une intrigue psy­cho­lo­gique touf­fue, en ten­sion, ser­vie par une belle gale­rie de pro­ta­go­nistes aussi vrais que nature.

serge per­raud

Cécile Caba­nac, À pleu­rer tout nous condamne, Fleuve noir, coll. “Thril­lers”, mars 2024, 432 p. — 20,90 €.

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Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

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