Le symbole d’une capitulation face à une dictature !
Munich 1938, plus précisément les 29 et 30 septembre, voit la mise à mort de traités de paix et livre la Tchécoslovaquie à l’appétit d’un dictateur. C’est la dernière tentative d’entente diplomatique entre les puissances européennes : deux démocraties, la France et le Royaume-Uni, deux dictatures, le Troisième Reich et l’Italie fasciste.
Ces dernières veulent modifier radicalement l’assiette géostratégique du continent alors que les deux premières souhaitent conserver, autant que possible, l’ordre existant. Mais ce pacte est miné par la mauvaise foi et les arrière-pensées de tous les signataires, par l’absence à la table de négociations des principaux intéressés dont on règle le sort.
Tout commence après la défaite de l’Allemagne en 1918 quand des traités recomposent le cœur de l’Europe, que ce soit Versailles, Saint-Germain-en-Laye, Le Trianon, Locarno… C’est surtout à partir de janvier 1933, quand Hitler prend le pouvoir en Allemagne que tout chavire. Il prétexte le retour au pays des Allemands des Sudètes, ce territoire inclus dans le giron de la Tchécoslovaquie.
Mais, historiquement, jamais les Sudètes n’avaient appartenu à l’Allemagne, sauf une enclave rattachée au royaume de Saxe. Cette communauté vivait en bonne entente depuis des siècles avec celles de Bohème, Moravie, Carpates slovaques. Le retour à la mère patrie de ces trois millions d’Allemands est le prétexte pour s’emparer des usines d’armements et des structures industrielles et minières du pays.
Deux choix, parmi tant de ratés sont cependant lourds de conséquences : reconnaître au Reich la tutelle des Allemands des Sudètes et exclure l’Union soviétique à cause des projets de pénétration de Staline en Europe, projet évident depuis 1930.
Après une introduction très éclairante de la situation, l’historien propose des portraits des principaux acteurs de ce qu’il faut appeler un drame. Ce sont ceux des quatre hommes qui se sont retrouvés et ceux de trois autres non présents mais qui ont pesé, par leur absence et dans la suite. Ont signé cet accord Arthur Neuville Chamberlain, au tempérament rentré, procédurier et migraineux, Edouard Daladier surnommé le taureau du Vaucluse, Benito Mussolini, l’homme bronzé, et Adolf Hitler le petit caporal de Bohème qui souffre de son origine de déclassé. Dans la coulisse, Edvart Beneš, homme politique éminent de Tchécoslovaquie, Staline, et Roosevelt, aux USA.
Puis l’historien détaille, en quatre parties les différents événements, actions, acteurs qui ont œuvré avant, pendant, après Munich. Une chronologie, superbe de synthétisme, offre une vision globale du drame. Le texte de l’accord figure en annexe.
Serra fait une présentation claire d’événements nébuleux, d’une succession de traîtrises diplomatiques, de démissions, d’abandons. Il explicite, décrypte et donne des faits peu connus, voire cachés comme une des affabulations de Malraux qui s’est vanté d’avoir sauvé la vie d’un homme en intervenant auprès de Goebbels… qu’il n’a jamais rencontré.
Ce livre décrit un moment primordial de l’histoire de l’Europe, donnant les clés essentielles pour en comprendre les fondements et surtout les conséquences. Maurizio Serra livre une mine de renseignements, d’informations sur la genèse de cette rencontre diplomatique, son déroulement et les suites désastreuses qu’elle a engendrées.
Un ouvrage de référence sur une catastrophe historique qui devrait rester unique.
serge perraud
Maurizio Serra, de l’Académie française, Munich 1938 — La paix impossible, Éditions Perrin, avril 2024, 400 p. — 24,00 €.