Ce roman est paru chez Gallimard, dans la collection Série Noire n°1885, en 1982. C’est le 7 novembre 1981, dans le bois de Vincennes, que Malou, une prostituée, est égorgée. Elle ne sait pas qu’elle est la quatrième. Jean-Pierre Mougin et Alexandre Steiner sont en passe de réussir le reportage le plus explosif de leur carrière. Jipé est tracassé par la convocation de son patron, qui gère une agence de presse privée.
Albert, au commissariat de Vincennes, accueille Liza une jeune femme ramassée par ses collègues. Elle est traumatisée et mutique. Parce qu’il n’obtient rien pour faire le procès-verbal, qu’elle est nu pieds, son talon de chaussure cassé, il propose de la ramener chez elle. Elle finit chez lui. Mais le tueur est sur leurs traces. Il peut égorger Albert mais ne peut empêcher Liza de s’enfuir. Celle-ci a eu le temps de prendre le papier sur lequel Albert avait noté le lieu de rendez-vous avec Alex.
Jipé ressort de son entretien en colère : son patron ne veut plus qu’il enquête sur Ordre Noir, ce groupuscule d’ultra-droite. Il rejoint Alex chez lui. Là, deux policiers viennent récupérer tous leurs dossiers d’enquête. Face au refus du journaliste, ils se montrent très menaçants sortant leur arme. Alex, un ex-policier, les abat…
Pour faire vivre cette intrigue très mouvementée, les romanciers ont conçus une belle galerie de protagonistes, un groupe soudé pour faire face à une violence exacerbée. Jipé est devenu journaliste free-lance. Il est en couple avec Hélène une jeune auteure de bandes dessinées. C’est elle qui lui a présenté, il y a cinq ans, Alex, ex-inspecteur principal, devenu écrivain de talent. Depuis ils sont inséparables.
Face à eux, un groupuscule d’extrémistes qui fomente des attentats et qui a ses entrées dans le monde policier. Entre les deux, une prostituée est pourchassée par un tueur obstiné. Elle ne comprend pas pourquoi on veut l’assassiner.
Ce roman à l’intrigue serrée, elle se déroule sur trois jours, aux actions particulièrement violentes, ne fait pas dans la dentelle. Avec une narration tonique, des dialogues à l’emporte-pièce mais qui font mouche, des références à des événements authentiques de l’époque, les romanciers signent une histoire qui se lit avec avidité. Ils sèment nombre de références musicales de l’époque, évoquent Jean-Claude Claeys, un illustrateur de talent, Bilal et ses Phalanges de l’Ordre noir, use d’un vocabulaire détonant, d’images truculentes, osant citer des marques comme Cassegrain dont le cassoulet donne des maux d’estomac à un personnage. La page 201 est d’une actualité brûlante quant à la situation politique, sociale et médiatique.
Les auteurs installent un climat qui régnait au début des années 1980 mais qui reste tout à fait valable aujourd’hui. Mais la tonicité de l’intrigue, les personnages, emportent l’adhésion à un récit qui se lit avec délectation.
serge perraud
Gérard Carré & Didier Cohen, Qui vous parle de mourir ?, Folio Policier n° 1015, mars 2024, 336 p. — 10,40 €.